Archives pour la catégorie Hors Série

[Vidéo]: « Le Furans » Du pont de Chavillieu au moulin d’Andert.

Petite sortie en mode congelé sur le Furans dimanche dernier.

Un parcours magnifique et peu connu du grand public, caché entre le Pont de Chavillieu et le moulin d’Andert.

D’autres vidéos à ne pas manquer.

[Vidéo]: « Le Haut Eyrieux »

Retour de notre week-end en Ardèche… Mais juste avant de prendre la route, un petit arrêt obligatoire sur le Haut Eyrieux! Une des plus belles rivières à notre palmarès!!!

D’autres vidéos à ne pas manquer.

La Haute Cure

Redouté depuis bientôt des années, le dérèglement climatique et ses effets néfastes font désormais partie de notre quotidien. Nous subissons de plein fouet ses conséquences dramatiques, à commencer par le manque d’eau. Elle coule encore de nos robinets mais se fait rare dans nos rivières. Ces dernières sont pratiquement, pour ne pas dire, totalement à sec. 

La navigation en eaux vives est sérieusement remise en question, et pour tout vous dire, il nous faudra probablement attendre l’automne, en espérant que la météo soit assez généreuse pour dans un premier temps recharger les nappes, et par la suite remplir nos terrains de jeu. 

Nos rares sorties se limitent donc aux fleuves tels que le Rhône dont le débit est « malheureusement » assuré par la fonte rapide des glaciers. 

Le Rhône en kayak de mer

Fort heureusement, un coup de fil de notre ami Laurent NICOLET va nous permettre de profiter d’un plan « B » totalement inespéré. 

Il nous propose de partir, non pas en cure, mais sur la Cure! 

Cette rivière, a la particularité d’avoir de l’eau en abondance malgré la sécheresse. Elle bénéficie de ce traitement de faveur grâce à la vidange programmée du lac des Settons qui, pendant une quinzaine de jours au minimum, assurera un débit stable de 7 à 10 m3/s. 

C’est donc un parcours incroyable avoisinant les 30 km qui s’offre à nous! 

Comme à son habitude, notre confrérie des pagayeurs du Séran, qui soit dit en passant s’est étoffée de nouvelles têtes, commencera à faire l’inventaire des protagonistes désireux d’aller faire un peu plus de 3 heures de route pour goûter aux joies de l’eau vive par temps sec. 

Parmi ces protagonistes, difficile de ne pas citer Marine, canoteuse Franco/Québécoise avec qui nous pagayons depuis quelques mois déjà. 

Marine… 

A l’instar d’un Yannick VERICEL ou d’un Laurent NICOLET, qui ont influencé et enrichi mon expérience qui soit dit en passant vient de passer à quelques jours près, sa première décennie, je mets provisoirement ce compte rendu entre parenthèses pour vous parler de cette rencontre incroyable et riche d’enseignements… 

Débarquée fraichement en France après avoir passé 14 années de sa vie au Québec, elle nous apporte sur un plateau d’argent toutes les richesses liées à son expérience de canoteuse Canadienne, à commencer par cet accent magique de son pays d’adoption. Difficile de ne pas lâcher prise pour nous projeter dans l’univers de Jack London, sur les traces de la ruée vers l’or, dérivant sur les flots du Yukon à bord d’un canot ouvert lorsque les notes de cet accent si atypique nous transportent. 

Mais ce qui tranche radicalement avec la pratique du « canoë/kayak Français », c’est magistralement cette ouverture à la nature, par l’intermédiaire du canot ouvert. Des valeurs que nous partagions déjà entre nous et qui, malheureusement ne sont pas encore assez mises en avant dans notre pays. 

Oui… Le kayak français est bien représenté dans les médias, mais il reste fermé dans une pratique compétitive. Pratique qui justement se déroule elle aussi dans des lieux fermés et bien souvent artificiels, étanches aux appels de mère nature qui nous offre pourtant un terrain de jeu incroyable, diversifié et je dirais presque, sans limites. 

Pour fermer cette parenthèse, Marine, c’est l’incarnation de toute cette poésie dérivant au fil des rivières, et d’un état d’esprit lié à une pratique de la pagaie simple encore marginale en France, mais qui je l’espère prendra de l’ampleur pour ainsi atteindre les plus hautes instances de ce sport et faire évoluer les mentalités. 

Et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si pour la descente de la Cure, nous avons choisi le canot ouvert. 

Fred m’avait déjà initié quelques mois auparavant au maniement de la pagaie simple, et l’avantage de ces embarcations par rapport aux kayaks en rivière, c’est de pouvoir transporter une quantité non négligeable de matériel pour nous permettre d’apprécier comme il se doit, deux jours de navigation en itinérance. 

Les bateaux utilisés pour ce périple sont de la marque Gumotex. Le Baraka et le Scout, deux canots gonflables parfaitement adaptés au terrain de jeu qui s’offre à nous, sur lesquels, Marine, Fred, Yann et moi-même prendront part à l’aventure. 

Gumotex Baraka
Gumotex Scout

Seul bémol au tableau, l’absence soudaine de Laurent NICOLET qui pour des problèmes logistiques de dernière minute, devra décliner à grand regrets sa propre invitation. 

Il demeurera malgré tout à nos côtés par la pensée, au travers de son guide « Rivières Nature en France » et de ses pages 142 à 149 consacrées à la Haute Cure. 

La bible des rivières de France 😉

Après 3 heures de route, rendez-vous au Lac de Crescent, point d’arrivée pour organiser la navette de retour. 

Le Lac de Crescent

Planté en plein milieu du parc régional du Morvan, c’est un havre de paix dont je ne soupçonnais pas l’existence. Un des derniers refuges préservés dans lequel, le silence nous offre encore sa plus belle partition. 

A la vue de cette étendue d’eau, j’étais épris par ce silence mélodieux et envoûtant. Les seuls sons audibles s’exprimaient au travers d’une brise légère et discrète, glissant avec délicatesse sur un feuillage hésitant. 

Ce même feuillage semblait avoir résisté miraculeusement aux assauts de la sécheresse. 

Bref, le genre d’univers sincère et sans artifices, garni d’une flore encore intacte et protégée des influences nauséabondes émanant des progrès technologiques et du mode de vie lié à notre civilisation que nous empruntons depuis plus d’un siècle  

Même le réseau téléphonique, tous opérateurs confondus, était aux abonnés absents. 

Après avoir englouti notre déjeuner, nous prenons place à bord de la navette de départ pour nous rendre au kilomètre 6, juste après le saut du Gouloux. 

En effet, avec tout le matériel à bord, nous préférons éviter la première partie de la Cure et ses passages techniques III+/IV. 

Le Saut du Gouloux

L’ambiance sur le parking de départ est radicalement opposée à ce que nous avions pu apprécier au Lac de Crescent. Le spot prisé par les touristes et par les kayakistes des clubs du coin venus affronter les rapides en amont du kilomètre 6, tranche radicalement avec la quiétude côtoyée en aval. 

Nous commençons le gonflage de nos frêles esquifs en même temps que nous vérifions l’inventaire de notre matériel de bivouac, dans lequel nous avons décidé d’inclure les victuailles nécessaires à la préparation d’une bonne fondue Savoyarde!

Préparation du matériel

La mise à l’eau se fait sans encombre, mais notre joie sera de courte durée.  

Embarquement

En effet, nous découvrons malgré nous que la Cure est une rivière pudique, qui ne se laisse pas approcher si facilement. J’en veux pour preuve ses rideaux de feuilles denses, parsemés de branchages décidés coûte que coûte à nous barrer la route. Les cent premiers mètres auront raison de la pauvre Gopro pourtant fixée avec soin sur le casque de Marine. Coincée dans les branches, son socle, avec la force du courant se brise net, et dans l’élan, le petit leash de sécurité se rompt également, projetant avec une violence inouïe la Gopro dans les eaux sombres de la rivière. 

Attention aux arbres!!!

Ces mêmes branches, après avoir usurpé l’un des témoins numériques de notre descente, continueront à nous assaillir de gifles à chaque passage. Elles se détendent violemment sur notre visage et nous obligeront à pencher la tête en avant pour que nos casques encaissent pour préserver ne serait-ce que nos yeux.

Nous luttons péniblement pendant les 3 premiers kilomètres dans une rivière étroite et sinueuse toujours autant parsemée de part et d’autre des berges opposées de ce branchage abondant.  

J’essaie tant bien que mal, avec ma maigre expérience de canoteur de diriger notre embarcation. Marine quant à elle, lutte avec acharnement pour rattraper mes gaffes et nous éviter ainsi de nous coincer dans les feuillages. 

Elle arrive néanmoins à me prodiguer dans ce chaos, les mouvements de bases en canotage tels que “l’écart” et “l’appel”, ingrédients indispensables pour orienter efficacement l’embarcation. 

Mais très vite, à force de patience et de persévérance, et après avoir franchi une passerelle de sentier, la rivière change d’aspect. La végétation dense et abondante s’espace et s’éclaircit à mesure de nos coups de pagaie. Je relâche alors ma concentration pour apprécier les lieux qui nous entourent. A commencer par les reflets sombres de l’eau, flirtant avec ces teintes ambrées qui semblent remonter des profondeurs pour percer la noirceur des flots. Une ambiance charbonneuse, diluée dans cette lumière orangée sur laquelle lévitent nos Gumotex. 

Le dénivelé de la rivière s’accentue alors pour nous offrir une navigation un peu plus sportive au travers du rapide de la Truite. Un peu plus de deux kilomètres de remous de classe II/II+ dans lesquels le stress et l’appréhension des débuts laisseront place à cet instinct enivrant qui nous anime lorsque les canots commencent à rebondir sur les premières vagues. 

Le rapide de la Truite

Les moments d’insouciance et de joie sur la Cure seront de courte durée à l’approche des premiers embâcles. Les techniques d’arrêt et de repérages sont indispensables pour vérifier l’encombrement et parfois user d’huile de coude pour scier les troncs récalcitrants. 

Evacuation des embâcles

Le soleil commence à décliner et, faute de réseau suffisant, nous sortons notre “Laurent NICOLET” de poche pour visualiser le topo et repérer une zone propice pour établir un bivouac digne de ce nom. 

Yann, consultant le topo de Laurent

Au kilomètre 17, nous extrayons avec adresse et en prenant soin de ne pas les écorcher sur les barbelés bordants la rivière, nos embarcations hors de l’eau, à l’intérieur une clairière ensoleillée, prête à accueillir notre campement.

Arrivés à notre spot de bivouac

L’occasion pour Marine de nous prodiguer quelques conseils transmis dans sa terre d’adoption, tels que le bivouac sans traces, qui consiste à respecter les lieux en prenant le soin de tout récupérer à notre départ, même les détritus alimentaires biodégradables. 

Notre campement
Un repos bien mérité

Il nous tarde d’extraire nos victuailles enfouies au plus profond de nos sacs étanches pour dans un premier temps étancher notre soif, et pour ensuite préparer la traditionnelle fondue qui rien qu’à son évocation, nous fait saliver d’impatience. 

La fondue tant désirée

Repus, et épuisés après tant de lutte aux premiers kilomètres, nous prenons place dans nos tentes respectives au grand damne de Marine, plutôt habituée à veiller tard au même rythme que le soleil canadien lorsqu’il atteint son paroxysme au solstice d’été…

L’humidité s’est invitée pendant la nuit, et c’est sur un tapis de rosée, déposée pendant notre sommeil que nous nous extrayons de nos tentes pour aller chercher la chaleur des premiers rayons de soleil avant d’engloutir notre petit déjeuner, arrosé d’un bon café, pour ensuite enfouir tout le matériel à l’intérieur des bidons et sacs étanches, que nous sanglerons efficacement sur nos embarcations. 

Chargement

Nous reprenons notre route, apaisés d’avoir pu nous déconnecter le temps d’une nuit du rythme de vie exigeant et parfois épuisant que nous subissons au quotidien. C’est justement toute la magie que nous offre ce sport, permettre de rompre avec ce rythme et parfois même le ralentir au fil de l’eau protectrice. 

On embarque!!!

Les premiers rapides nous emmènent sans efforts, la pagaie servant principalement à nous diriger. Mais rapidement, nous devrons composer encore et toujours avec de nombreux embâcles potentiellement dangereux. 

Nous usons de tout notre attirail stratégique pour venir à bout de ces embâcles, quitte à traverser la rivière à la nage, équipés bien sûr d’une ligne de vie, garante de notre sécurité, pour rejoindre la berge opposée et commencer les opérations de bûcheronnage. 

Yann traversant la rivière

Même si ces efforts coupent un peu notre rythme de navigation, ils font partie intégrante de l’aventure et ajoutent ce soupçon d’assaisonnement épicé permettant ainsi aux protagonistes concernés que nous sommes, d’apprécier la dimension hors normes de cette odyssée. 

Dans ce deuxième épisode, la rivière change encore d’aspect, et les berges qui jusqu’à présent semblaient s’aligner aux raz de l’eau, s’élèvent brusquement, sculptant dans le lit de la Cure, des rapides rocheux et manœuvriers.  

Tout s’accélère et à la sortie de la zone, nous retrouvons au fil de notre descente la civilisation. Elle se matérialise petit à petit sur les berges, restant néanmoins discrète sans altérer l’authenticité de la rivière, arrivant même parfois au travers d’architectures pittoresques à la sublimer davantage. 

Le dénivelé change pour disparaître petit à petit, laissant place à un cours d’eau silencieux, entrecoupé de quelques clapotis. Il nous accompagne paisiblement à notre destination finale.

Quelques centaines de mètres en amont, le courant s’arrête, et il nous faudra pagayer avec un peu plus d’intensité pour rejoindre le Lac de Crescent, terminus de cette formidable itinérance. 

La Cure…. 

Une rivière pleine de surprises qui vaut la peine d’être parcourue sous réserve d’avoir une grande motivation au départ, ne serait-ce que pour s’extraire de cette végétation abondante gardant jalousement les lieux.  

Il faudra bien entendu maîtriser les techniques de base indispensables en rivière pour pouvoir s’arrêter rapidement et repérer chaque passage délicat (embâcles, etc…). 

Un Grand merci à Laurent pour cette proposition qui plus est, reste un privilège d’exception de pouvoir naviguer ce cours d’eau en période de sécheresse intense. 

CORNETTO Yves

[Hors Série] Le Pertuis de Maumusson

Bienvenue sur ce deuxième chapitre !!!

Si vous avez raté le premier sur la prise d’assaut du Fort Boyard, je vous invite à le lire ici:

A l'assaut du Fort Boyard
A l’assaut du Fort Boyard

 

Pour ce deuxième opus, juste avant de monter à bord, attendez vous à non seulement vivre par procuration une odyssée incroyable entre l’estuaire de la Seudre et le Pertuis de Maumusson, mais également à prendre place dans les méandres de la mémoire de votre serviteur.

Bonne lecture!

Prologue…

Mardi 25 Septembre 1990

  • Les enfants ! On avance et on reste groupés !

Cette consigne répétée maintes et maintes fois depuis le début de notre séjour résonne désormais dans nos têtes comme une impression de déjà-vu. Les institutrices, accompagnées de quelques parents encadrants, veillent à ce que cette masse juvénile de 42 élèves dont je fais partie reste compacte.

Nous foulons un chemin forestier maculé de nappes sableuses parsemées d’aiguilles de pin. Au pied de chaque conifère gisent quelques cônes desséchés partiellement recouverts. Un parfum aux notes résineuses propre à la pinède où nous évoluons embaume nos narines, accompagné de teintes salées émanant des embruns.

Le soleil, tamisé par ces pins maritimes se propage par petits rayons lumineux façonnés au travers d’une fine pellicule de poussière en suspension. En résulte une ambiance filamenteuse aux multiples projections qui viendra teinter par petites touches dorées cet univers forestier.

La hauteur de la végétation environnante nous renvoie sans contestations possibles à nos petites tailles. Comme le chantait si bien Souchon « J’ai dix ans », j’arborais cet âge avec fierté. Ma première décennie écoulée, en classe de CM2, et par la même occasion, sur la dernière marche à franchir avant le collège.

Le Sou des écoles, aidé de notre commune, du conseil général et d’autres âmes charitables nous ont permis de lever suffisamment de fonds pour nous offrir ce séjour scolaire au point cardinal radicalement opposé à celui de notre région. Il nous suffisait tout simplement de tracer une ligne parfaitement horizontale sur la carte de France, partant de notre village d’Anglefort en direction de l’Ouest pour atterrir à vol d’oiseau 540 km plus loin sur l’île d’Oléron.

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Cette escapade dans la Forêt domaniale de St Trojan avait un léger goût amer d’un « au revoir », clôturant ainsi presque une semaine d’aventure insulaire.

La masse végétale propre à cette pinède s’estompait à mesure de notre progression jusqu’à nous révéler les premières dunes protectrices. Nous arpentons un léger dénivelé sableux juste avant d’apercevoir au loin une étendue d’eau infinie matérialisant le Pertuis de Maumusson.

Echoué quelque part sur la face ouest de la pointe de Gatseau, notre groupe, que les adultes avaient eu tant de mal à contenir, se disloque de façon anarchique, chacun voguant malgré tout en direction de l’océan. Quelques méduses « chou-fleur » probablement surprises par la marée descendante, terminaient leur existence de façon pitoyable, gisant sur un sable humide caressé des dernières vagues. Cette scène de désolation attisa toutefois notre curiosité, et par petits groupes, nous nous rapprochons, sous l’œil bienveillant des encadrants. Les plus courageux d’entre nous s’armeront d’un morceau de bois, tâtant l’ombrelle jaunâtre et semi translucide aux allures visqueuses de la pauvre bête qui ondule tel un bloc de gélatine sous la pression exercée.

Lassé et me sentant oppressé par la masse agglutinée autour de la méduse qui a depuis des lustres passé l’arme à gauche, je m’isolais de mes congénères, captivé par ses mugissements lointains émanant au large.

« Entendez mugir le Pertuis de Maumusson »

Perfusé à l’époque d’émissions TV dont la plus célèbre propageait une quantité innombrable de dessins animés, mangas et autres, j’étais, il faut bien l’avouer, complètement hermétique à cette citation poignante de Victor HUGO, symbolisant à elle seule toute la puissance qui régnait en ces lieux.

La maturité me faisant cruellement défaut, je n’avais aucune conscience de l’environnement dans lequel j’évoluais. Considéré comme l’un des nombrils de la mer, j’étais comme imprégné de cette force colossale qui me faisait vibrer de l’intérieur. Un sentiment étrange que je n’avais pour l’instant jamais ressenti commençait à prendre place et allait marquer de façon indélébile les entrailles de mon âme. Je restais figé, face à ce tableau de maître. Une toile sincère aux tons naturels, dépouillée de tout artifice, superposait à mon regard de gosse cette surface sableuse à la texture dorée se noyant dans un dégradé humide aux notes d’écumes avant de se lier à une étendue océanique mélangée de masses sombres et azurées derrière laquelle, juste avant d’arborer ce fond céleste, trônaient majestueusement en maîtres incontestés des lieux, ces rouleaux d’écumes étirés à perte de vue, façonnant ces déferlantes tant redoutées des marins, martelant perpétuellement les haut fonds sableux.

Fasciné par cette symphonie aquatique aux notes fracassantes, j’étais comme hypnotisé, occultant involontairement les consignes des institutrices désireuses de reformer le groupe au plus vite et vaquer à notre agenda.

  • Les enfants ! En route !

La logique n’avait aucun sens en ces lieux. A croire que même les lois de la gravité n’étaient plus régies par le sol, mais par cette force au large qui me poussait à rester.

  • On se regroupe les enfants !

Le sentiment d’être seul au monde, attiré par cette ode à la liberté, au point même d’oublier complètement les autres visites effectuées sur l’île (le port de la Côtinière, le phare de Chassiron, le Château d’Oléron etc…).

L’un des parents accompagnateurs, quelque peu excédé, viendra m’extraire de ce spectacle saisissant.

Je rejoins le groupe avec une certaine frustration, laissant derrière moi un sentiment d’inachevé. Un goût amer, à l’instar d’une personne chère à mon cœur à qui je dois faire mes adieux, accompagne alors mes pas sur un tapis de sable encore humide que la marée viendra effacer…

Le Pertuis de Maumusson

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Vendredi 19 Juillet 2019

Une image d’une symétrie frôlant la perfection défile sous mes yeux. Les rambardes s’enchaînent les unes après les autres à la périphérie de mon regard, entrecoupées de perches légèrement courbées matérialisant l’éclairage, avec en arrière plan, cette étendue bleutée laissant entrevoir quelques hauts fonds. Je quitte provisoirement l’île d’Oléron, évoluant sur le viaduc du même nom.

http://www.kayakalo.fr/cale2216

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Christophe m’avait transmis la veille ce précieux sésame symbolisant le lieu de notre rendez vous. Après avoir rejoint le continent et franchi le viaduc de la Seudre, je me retrouve au dernier kilomètre encerclé de marais salants, longeant le chenal de l’Eguillatte. J’accompagne ce même chenal jusqu’à son embouchure avec la Seudre, symbole de notre point de ralliement. Perdu au beau milieu du bassin de Marennes-Oléron, je me retrouve sur un parking dépourvu de marquage au sol. Il est délimité de part et d’autre d’une multitude de supports en ferraille empilés les uns sur les autres arborant cette teinte orangée témoignant d’une oxydation prononcée.

D’une ponctualité redoutable, la fameuse Starlet chevauchée par « Curiosity » m’emboite le pas.

Cette fois ci, inutile de me précipiter comme à Boyardville, je me cale sur le rythme de Christophe pour préparer tranquillement mon matériel.

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La Starlet de Christophe au départ – © Christophe BONNIN

A la manière d’un guide touristique dont il endosse à merveille l’allure et la pédagogie, il me prodigue quelques conseils sur la navigation au rythme des marées pour parfaire mon initiation.

Au programme, nous descendrons la Seudre jusqu’à son estuaire, en utilisant justement les courants d’une marée descendante qui auront pour effet de nous propulser sur l’eau sans le moindre effort de notre part. On improvisera la suite dans l’estuaire entre la plage de Gatseau, celle du Galon d’Or et pourquoi pas, aller faire un tour vers St Trojan. Nous profiterons par la suite du renversement de la marée prévue aux alentours de 12h00/13h00 pour remonter avec le courant  inverse qui nous poussera jusqu’à notre point de départ.

Une rampe spacieuse à seulement quelques mètres accueillera nos kayaks, nous permettant ainsi de nous économiser d’un chariotage fastidieux.

Rampe d’embarquement  – © Christophe BONNIN

Une fois sorties du chenal de l’Eguillatte, nos étraves gouttent désormais la saveur des eaux de la Seudre. Ces dernières, renvoient quelques reflets métalliques d’un soleil tentant de se frayer un chemin au travers d’un léger moutonnement nuageux.

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Sur le chenal de l’Eguillatte avec au loin la Seudre

Les prévisions sont formelles, ces quelques nuages perturbateurs seront rapidement dilués au profit de tons célestes uniformes.

La quiétude qui régnait en ces lieux il y a encore quelques dizaines de minutes sera régulièrement entrecoupée de bateaux pour le moins atypiques. Défilants les uns après les autres, ces chalands, embarcations à fond plat, utilisés principalement pour l’ostréiculture, se ruent eux aussi dans l’estuaire de la Seudre. Leurs proues relevées, ils filent à vive allure, sculptant dans leur sillage de belles vagues sur lesquelles nous nous essayons au surf. On se prend au jeu, en orchestrant de vives accélérations dans l’espoir de caresser l’inertie de ces mêmes vagues avant de se laisser porter sur leur dénivelé, ajustant avec précision notre direction en combinant la gîte et quelques mouvements arrières de la pagaie pour faire durer le plaisir au maximum. Ces quelques exercices grisants rythment le parcours et cassent un peu la monotonie platonique d’une Seudre s’étirant face à nous jusqu’à perte de vue.

Un des nombreux chalands –  – © Christophe BONNIN

Mon guide perso me convie à une petite halte dans l’embouchure du chenal de la Tremblade, lieu mythique et incontournable pour tout amateur d’huître.

La France, au pied du podium, derrière la Chine, le Japon et la Corée, fait partie des plus gros pays exportateurs au monde. La Tremblade, intimement liée à Marennes, située sur la rive opposée de la Seudre, abrite l’un des plus importants sites d’affinage et de production d’huîtres d’Europe. Le ballet de vas-et-viens des chalands observé tout à l’heure n’était pas anodin. Les ostréiculteurs profitent eux aussi de la marée descendante, non pas pour se prélasser comme nous autres kayakistes, mais pour utiliser l’un des seuls créneaux disponibles offert par dame nature pour exercer leur métier et ce, tous les jours de la semaine, y compris les week-ends.

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Le chenal de la Tremblade  – © Christophe BONNIN

Je remercie Christophe pour cette mise à jour de ma base de données culturelle et nous orientons maintenant la pointe de nos kayaks en direction du viaduc de la Seudre (traversé ce matin même en voiture), symbole de notre arrivée imminente dans l’estuaire.

Plusieurs piliers alignés émergent les uns après les autres face à nous. Ils soutiennent cette ligne de béton à la courbe discrète bombée vers les cieux, découpant l’horizon.

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Vue sur le viaduc de la Seudre

Telle une locomotive, une barque rouge motorisée tractait plusieurs petits voiliers d’initiation du centre nautique « Charline Picon« . Dans un défilé processionnaire, ces coquilles de noix évoluaient les unes derrière les autres. Leur voiles, estampillées du logo d’un opérateur téléphonique connu de tous plaqué sur un fond turquoise, semblaient propager cette même teinte turquoise au ciel, déchirant par la même occasion les dernières petites masses nuageuses affaiblies, laissant le champ libre aux rayonnements solaires qui viendront jouer leur plus belle partition.

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Les petits voiliers du centre nautique « Charline Picon » – © Christophe BONNIN

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– © Christophe BONNIN

Cap vers l’Ouest, en direction de la plage du Galon d’Or. Au passage, Christophe m’invite à jeter un petit coup d’oeil amical sur la plage de Ronce Les Bains, et plus particulièrement sur l’établissement trônant fièrement en arrière plan.

« Le Brise-Lames »

Le Brise Lames, Restaurant de cuisine traditionnelle à avec ...
Le Brise Lames  – © http://www.linternaute.com

Partageant la même structure que l’hôtel « Le Grand Châlet », ce restaurant, proposant une cuisine traditionnelle, emploie notre ami Laurent en tant que chef qui, pour des raisons professionnelles aujourd’hui, troquera justement sa pagaie bois contre un ustensile du même matériau avec lequel il doit probablement remuer et aérer les quelques ingrédients en cuisson, libérant ainsi diverses saveurs qui embaumeront les narines de la clientèle attablée.

Les parcs à huîtres libérés par la marée descendante nous barreront la route et nous ôteront tout espoir de débarquement possible pour aller rendre visite à notre compère. On lui transmet malgré tout une petite pensée amicale juste avant que nos étraves s’échouent quelques kilomètres après  sur la plage du Galon d’Or.

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La plage du Galon d’Or

Un balisage agrémenté de plusieurs panneaux aux couleurs vives nous indiquent clairement que nous ne sommes pas les bienvenus en ces lieux. Par arrêté municipal, la baignade ainsi que la circulation à pied sur une partie de l’estran sont formellement interdites. L’évolution du trait de côte et la présence de sables mouvants présentent des risques potentiellement mortels.

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La plage du Galon d’Or et la signalétique de danger  – © Christophe BONNIN

En évoquant de tels risques dans cet étranglement marin entre Oléron et le continent. Difficile de ne pas évoquer « Le Pertuis de Maumusson ». En tendant bien l’oreille, nous arrivons sans problème à distinguer ces grondements lointains qui, en premier lieu me rappellent ceux des seuils rencontrés sur le Rhône.

Mais quelque chose de plus intense accroche mon attention…

Je me paye le culot de demander à Christophe jusqu’à quelle distance pouvons nous approcher cette zone tant redoutée des marins. Hésitant au départ, il m’invite malgré tout à prendre la direction de la bouée d’atterrissage de Maumusson, reconnaissable à sa forme de phare aux tons sanguins entrecoupés de lames blanchâtres. Estampillée en lettres verticales « GALON D’OR », elle indique l’axe du chenal à emprunter en évitant aux plaisanciers de venir s’échouer accidentellement sur les bancs de sables avoisinants. Elle représente également une limite virtuelle, derrière laquelle le décor basculera radicalement.

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Face à la bouée d’atterrissage de Maumusson  – © Christophe BONNIN

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– © Christophe BONNIN

Les derniers courants de marée nous portent rapidement sur place. Les grondements montent en puissance. L’appréhension que j’éprouvais il y a encore quelques minutes se mue en une curiosité soudaine mélangée à un sentiment de fascination. L’imposante bouée désormais face à moi n’en est que transparente, noyée malgré elle par les mugissements et ces quelques brises émanant du large qui ont commencé leur processus de séduction. Elles caressent avec tendresse mon visage, m’invitant sans plus attendre à franchir la ligne rouge.

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Les mugissements du Pertuis de Maumusson  – © Christophe BONNIN

A l’instar des chants mélodieux des sirènes, la houle au loin, tentaculaire, s’empare de mon esprit. Par prudence, nous longeons avec Christophe la pointe de Gatseau observant de loin le phénomène. Mais cette manœuvre de retrait ne fera qu’attiser ma curiosité.

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La pointe de Gatseau

Est ce le hasard ou la providence? Mais toujours est il que notre positionnement géographique proche de la pointe de Gatseau et l’angle de vue qui l’accompagne, articulent mentalement les mécanismes complexes liés à un espace temps qui, au travers de ses rouages, amorce un forage intensif dans les entrailles de mon âme. Des souvenirs enfouis depuis presque 30 ans refont maintenant surface comme une lame de fond déferlant devant moi, superposant à mes yeux ce regard de gosse qui, en cette date du 25 Septembre 1990, observait du même endroit ce même tableau arborant les mêmes couleurs, la même symphonie, le même parfum.

Je revivais la scène en boucle, mais dépouillé de cette naïveté et cette insouciance juvénile.

Malgré la présence de Christophe à mes côtés, je me sentais en l’espace de quelques secondes seul au monde. Seul face à moi même, le regard planté dans le rétroviseur, arpentant toutes ces années écoulées jusqu’aux origines de cette rencontre. Revivant malgré moi ce sentiment d’inachevé à l’époque où j’avais dû à contre coeur rebrousser chemin.

Je reprends en main mes esprits, mais surtout ma destinée.

Je me sens dorénavant libre.
Délivré des obligations qui m’incombaient à l’époque.
Libre de ressentir pleinement à nouveau ces vibrations et cette attirance défiant les lois de la gravité sans qu’aucune personne aux alentours ne vienne parasiter et m’extraire de ce qui se présente face à moi comme un instant de grâce.

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Christophe face au Pertuis de Maumusson

Un autre phénomène que je n’avais pas perçu à l’époque se dessine au loin. Nous observons avec Christophe la naissance de quelques bandes dorées pointant le bout de leur nez à la surface et s’étirant sur l’horizon. Des bancs de sable au large, juste à proximité des déferlantes s’affichent désormais, leur fine granulométrie bombardée d’une lumière bienfaitrice d’un soleil nous surplombant au zénith, comme si les éléments réputés dangereux avaient choisi de nous gratifier d’un instant privilégié.

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Les premiers bancs de sable se dévoilent timidement  – © Christophe BONNIN

Hésitant au départ, mais toujours sous le charme des chants mélodieux aux notes fracassantes de la houle au loin, je décide de m’abandonner totalement et de me lier, au travers du peu de temps dont je dispose, à cette force colossale.

J’empoigne ma pagaie comme jamais, et dans un mouvement ample et déterminé, je dessine les premiers gestes qui me propulseront vers le large. Face à ces déferlantes dévastatrices, j’avance sans craintes, suivi de près par Christophe. Nous laissons derrière nous la pointe de Gatseau, sur laquelle nous observe encore, plusieurs décennies en arrières, l’ombre de moi même.

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Face au Pertuis de Maumusson  – © Christophe BONNIN

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Dans un élan de liberté – © Christophe BONNIN

Le sentiment d’êtres seuls au monde s’intensifie à mesure de notre progression. Suivi de près par un Christophe aux aguets, je lève les bras au ciel, exultant de joie, juste avant de m’échouer sur la première plage de sable émergée, trainant sur quelques mètres avec une certaine reconnaissance, mon fidèle destrier sans qui rien n’aurait été possible. J’effectue dans le calme et la plénitude, accompagné de ces mugissements perpétuels qui m’enivrent, une rotation sur moi même à 360°, profitant de ce panorama incroyable aux dimensions nouvelles, qui me ferait presque penser que nous nous sommes échoués comme deux exilés sur un continent nouveau.

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Un continent nouveau  – © Christophe BONNIN

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Seul au monde  – © Christophe BONNIN

Je foule dans le plus grand respect ce sol unique, évoluant dans ce sanctuaire, lui même  planté dans un décor presque irréel, avançant comme hypnotisé, face aux éléments au loin se déchaînant comme jamais. J’observe et fait partie intégrante de cette toile de maître, me rapprochant au plus près de ces déferlantes projetant leur écume avec force et violence sur les hauts fonds dans un rugissement contagieux. Je ressens les embruns, le souffle, la houle. Les yeux fermés, je me laisse le temps de quelques secondes, bercer intérieurement et bombardé par une énergie nouvelle me délivrant provisoirement des emprises du monde réel dans lequel j’évolue quotidiennement.

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Nos destriers océaniques  – © Christophe BONNIN

Machinalement, je sors mon appareil pour immortaliser l’instant, tout en sachant déjà qu’au plus profond de moi même, mon esprit a commencé à s’imprégner des éléments avec une fidélité incomparable. Elle est à des années lumières de ces suites binaires, matérialisant dans une succession de codes et d’algorithmes après avoir pressé le déclencheur, les quelques clichés qui viendront rejoindre ceux de Fort Boyard sur la carte SD.

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En quête de souvenirs  – © Christophe BONNIN

Christophe est formel, nous ne disposons plus que de quelques minutes avant que la situation ne nous échappe. La marée arrive au bout de son cycle et le renversement est imminent. Le sol que nous foulons, à l’instar de cette légende propre à l’Atlantide, finira sous les eaux tumultueuses accompagnées de courants violents, et dévoré par les rouleaux d’écumes qui semblent justement gagner du terrain.

La sensation de vivre quelques chose d’éphémère m’invite à en profiter comme jamais, ajoutant à ces quelques dernières secondes écoulées, une saveur toute particulière.

Je saisis maintenant la poignée avant du kayak, orchestrant un mouvement de traction pour le libérer de cette emprise collante propre à cette plage de sable à qui je dois faire mes adieux. Caressant les premiers centimètres d’eau salée, il m’attend, ballotté de gauche à droite. Je me retourne une dernière fois face au large, face à ces rouleaux d’écumes, laissant malgré moi un fragment de mon être, qui finira comme cette étendue vierge, sous les eaux et les mugissements du Pertuis de Maumusson.

Nous retournons sur nos pas, en direction de la pointe de Gatseau où nous comblerons ce vide abyssal, que l’on a tendance à ressentir après avoir été propulsé au sommet par cette poussée d’endorphines, par un bon repas bien mérité.

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Christophe quittant la plage éphémère

Je choisis volontairement d’amputer du récit que vous êtes en train de lire, les quelques lignes matérialisant la dégustation de victuailles, au profit d’un extrait de la vidéo de Christophe (que vous aurez l’occasion de parcourir en entier à la fin de ce compte rendu), qui à su d’une main de maître restituer les moments forts et poignants ressentis face au Pertuis de Maumusson.

On s’offre le luxe d’une bonne digestion, en observant au loin l’inversement des courants de marée, et attendant patiemment le bon créneau pour embarquer.

Une fois à l’eau, nous serons rapidement propulsés et ce, de façon violente par des courants de marée soutenus avec lesquels nous ne manquerons pas de jouer dans de belles petites vagues anarchiques générées au travers de ce goulet étroit entre la pointe Espagnole et celle de Gatseau.

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Christophe dans les courants de marée

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– © Christophe BONNIN

Petite halte à proximité de la baie de Gatseau à l’abri des courants. Une poignée de kayaks de location, reposant encore sur un sable brulant, attendent leurs pseudos propriétaires, qui, venant de s’acquitter du tarif horaire, goûteront eux aussi aux joies de la navigation à la pagaie.

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Baie de Gatseau  – © Christophe BONNIN

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St Trojan

Nous retrouvons nos courants bienfaiteurs, en se laissant dériver par ces derniers le temps de terminer définitivement notre digestion avant de nous engouffrer au large de St Trojan, à l’intérieur des méandres labyrinthiques de parcs à huîtres.

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Parcs à Huîtres

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– © Christophe BONNIN

On se faufile habilement au travers de chaque rangée, en prenant un soin tout particulier à ne pas les approcher davantage. Le tranchant des coquilles comparable à des lames de rasoir, risquent d’entailler sérieusement nos frêles esquifs. Les odeurs de marée, et son niveau montant à vue d’oeil, accompagnent nos derniers coups de pagaie avant de franchir dans le sens inverse le viaduc de la Seudre, symbole imminent de la dernière ligne droite de notre odyssée.

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Retour sur la Seudre

On se paie le luxe de sortir provisoirement de la Seudre, pour s’offrir une remontée du canal de la Tremblade avec une vue imprenable sur les cabanes ostréicoles alignées sur les deux rives opposées, témoignant de l’ampleur de l’activité dans la région, considérée comme l’une des plus importantes avec le tourisme.

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Sur le canal de la Tremblade – © Christophe BONNIN

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Les derniers kilomètres se feront dans la flemmardise la plus totale, la pagaie posée sur le pont, profitant de cette force incroyable que la nature, au travers de ce phénomène de marées, insuffle à nos bateaux, pour se laisser dériver jusqu’à notre point de départ.

Je remercie encore une fois de plus Christophe pour sa disponibilité, sa gentillesse et sa pédagogie. Il a malgré lui, joué un rôle important dans cette journée, en me permettant d’effectuer non seulement une superbe randonnée nautique, mais également un voyage intérieur dans les méandres de ma mémoire, en revivant ces sentiments poignants que je croyais égarés ces dernières décennies.

Je garde désormais gravés dans mon âme, ces mugissements lointains, récitant au travers de ces rideaux d’écumes, cette ode à la liberté, qui, à l’heure ou je termine ce compte rendu, raisonne encore dans ma tête.

Merci à vous d’avoir pris le temps de vous évader à mes côtés. Comme pour le premier chapitre, je vous propose pour clôturer dignement ce compte rendu, le résumé complet en vidéo de notre ami Christophe.

En espérant vous retrouver pour le dernier chapitre, je vous souhaite un bon visionnage!

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CORNETTO Yves

 

 

 

 

 

[Hors Série] Oléron > À l’assaut du Fort Boyard!

Bonjour à tous!!!

Pas facile de rester enfermé en cette période de confinement.

Si le coeur vous en dis, je vous propose de vous évader à mes côtés au travers d’une des 3 sorties effectuées l’été dernier aux alentours de l’île d’Oléron.

Je vous laisse prendre place à bord de ce premier chapitre :

« À l’assaut du Fort Boyard! »

Bonne lecture!

Lundi 15 Juillet 2019.

Je n’ai seulement que quelques petites heures de sommeil à mon actif. Cramponné au volant de ma voiture, je file à vive allure sur la départementale 126, longeant le chenal de la Perrotine. Malgré le peu de sommeil accumulé, je déborde d’une énergie incroyable qu’il m’est difficile de contenir. J’essaye tant bien que mal d’apaiser les choses en scrutant au loin l’horizon dégagé. Il est traversé d’un léger résiduel nuageux inoffensif, traçant quelques lignes horizontales sur un dégradé jaune orangé éclaboussant ces mêmes nuages d’une note rosâtre. Ces couleurs chaudes commencent d’ailleurs à embrasser une teinte bleutée ambitieuse, prenant petit à petit l’avantage à mesure que le disque de feu encore timide à cette heure, gagne en intensité. Il bombarde au passage de sa lumière bienfaitrice toute cette succession interminable de quadrilatères allongés d’eau salée jouxtant la route jusqu’à perte de vue. Ces marais salants renvoient d’ailleurs cette même lumière à la manière d’un champ de panneaux solaires aux tons miroirs. L’environnement étincelant qui m’entoure m’offre un spectacle magique et saisissant. Au travers de mes lunettes de soleil qui apportent une teinte orangée, je me retrouve plongé dans un univers doré aux éclats scintillants de mille feux dans une ambiance californienne.

Je laisse sur ma droite le chenal de la Perrotine contournant sur la gauche Boyardville, petit hameau de la commune de St Georges d’Oléron pour rejoindre le parking du centre sportif départemental. Je quitte alors la route des Saumonards, grignotant les 150 derniers mètres d’une allée bordée de part et d’autre d’une végétation dense mélangeant pins, chênes verts etc…, pour apercevoir enfin le terminus.

La route s’ouvre alors sur une impasse beaucoup plus éclairée que l’allée la précédant. L’asphalte maculée de fines couches sableuses m’indique malgré elle que la plage et l’océan ne sont plus très loin.

J’attends maintenant Christophe, mon hôte qui va me servir de guide avec son ami Laurent pour cette journée prometteuse.

Mon coeur bouillonne d’impatience.

Je me remémore les premières recherches effectuées sur la toile quelques années auparavant, et mes premiers coups de pagaie. Je venais à l’époque de me séparer de mon tout premier kayak: Le BIC Ouassou.

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Mon tout premier kayak: Le « Bic Ouassou »

Un bateau parfait pour « goûter » aux joies de la navigation mais qui montrera vite ses limites en seulement quelques mois pour ne pas dire quelques semaines. J’avais acquis dans la foulée un superbe Sit-On-Top:

Le RTM Disco.

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RTM Disco

Un bateau fin et épuré dont la coque rappelle celle des kayaks de mer pontés. Idéal pour progresser en toute sécurité et engager de plus grosses sorties.

Rapidement, je décide de m’inscrire sur les premiers forums dans l’espoir de trouver d’autres adeptes. Après quelques recherches infructueuses sur « http://www.kayakdemer.eu », je sympathise malgré tout avec un utilisateur, propriétaire également d’un Disco:

Christophe

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Christophe & son DISCO « Curiosity »

Très vite, ce bateau magique agira comme un ciment, liant notre complicité sans failles au travers de discussions passionnantes autour de ce kayak, mais également sur notre attrait commun à la réalisation de montages vidéos.

Originaire de Charente Maritime, il vit la plus part du temps en région Parisienne pour son travail, mais profite des week-ends à rallonge et des congés annuels pour rejoindre sa terre natale afin de se ressourcer sur son Disco, navigant sur l’océan et les quelques étendues d’eau aux alentours.

Il gère le blog:

http://curiosity.kayak.blog.free.fr/

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Une mine d’or d’informations sur son fidèle destrier qu’il place régulièrement sur un piédestal, mais également un outil touristique incontournable pour tout kayakiste désireux d’aller naviguer dans l’estuaire de la Gironde, celui de la Seudre, et les quelques îles aux alentours comme , et Oléron.

C’est sur cette dernière, au parking du centre sportif de Boyardville que je termine la manœuvre de mon véhicule, juste avant de commencer à décharger mon matériel.

J’amorce à l’aide de mes pouces une pression franche sur les boucles des sangles, libérant ainsi mon kayak.

Les lieux à cette heure sont encore déserts, seulement 5 à 6 voitures stationnées. Une légère brise compose ses propres notes musicales au travers du feuillage nous entourant. Les chants des mouettes, goélands et autres laridés accompagnent ce fond sonore, nous invitant expressément à rejoindre l’étendue d’eau infinie qui nous attend.

Un crépitement sableux se fait entendre au loin.

Je me redresse, et j’aperçois enfin Christophe à bord de sa Toyota Starlet couleur sable venant tout droit des années 90, sur laquelle trône fièrement son RTM Disco sanglé avec soin.

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Après plusieurs années de correspondance pendant lesquelles, seules les touches de nos claviers respectifs, déroulant une quantité innombrable de messages postés via le forum, maintenaient ce lien entre nous, je savoure enfin, avec un brin d’excitation, cette rencontre tant attendue.

Nous engageons l’un comme l’autre une poignée de main amicale au travers de laquelle, nous prenons pleinement conscience de cet instant magique et fraternel que toutes ces années d’attente ont fait germer.

Habitué à préparer mes affaires en un temps record, j’observe mon homologue Charentais organiser de façon méticuleuse son matériel de navigation, soucieux de ne rien laisser au hasard, il fait malgré lui la promotion de cet adage connu de tous : « Une place à chaque chose, et chaque chose à sa place. »

Tel un paparazzi il déploie tout un arsenal de caméras étanches dont il prendra un temps infini à mettre en place, ajustant le moindre support avec la plus grande précision, me faisant involontairement trépigner d’impatience.

Caresser les flots de l’océan est une chose qui se mérite. La marée basse à cette heure, aura pour effet d’augmenter considérablement la distance pour rejoindre l’eau. Malgré la présence de nos chariots de portage, nous ne serons pas trop de 2 pour acheminer nos embarcations. Les roues de ces mêmes chariots sont comme avalées dans un sable fin prêt à utiliser tous les stratagèmes et moyens nécessaires pour nous retenir. La situation que nous sommes en train de vivre pourrait presque s’apparenter à ce fameux rêve dans lequel on essaie vainement de courir, mais que nos jambes ne suivent pas, un peu comme si tout à coup, elles se mettaient à peser une tonne chacune.

Après un bon quart d’heure d’efforts surhumains pour venir à bout de 300 mètres seulement, nous sommes enfin au sommet de la dune. Au loin, nous apercevons une rangée de plusieurs catamarans échoués sur la plage, elle même délaissée par la marée.

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Sur la dune après de nombreux efforts!!!

Un petit tracteur du club de voile, dans un ballet de va-et-vient, achemine chaque embarcation au large, permettant ainsi aux heureux stagiaires de s’économiser du moindre effort. On se regarde tristement avec Christophe et nos pauvres chariots criant de douleur, observant avec envie et frustration ces petits veinards.

Ce sera sur un sable humide dessiné de stries ondulées que nous parcourrons les derniers mètres. On relâche nos poignées de portage, et je ressens l’afflux sanguin irriguer à nouveau le réseau veineux de mes phalanges libérées. L’étrave de mon kayak retombe sur le sol, caressée désormais par les premières vaguelettes. Mais ces dernières jouent encore avec notre patience en s’éloignant. La marée descendante n’a pas tout à fait fini son cycle.

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Plus que quelques mètres avant de rejoindre l’eau…

Bref, inutile de continuer avec nos chariots. Nous replions ces derniers, préférant traîner nos bateaux jusqu’à cette eau salée bienfaitrice. A son contact, les efforts herculéens qu’il nous fallait fournir au préalable, se métamorphosent désormais en petites poussées délicates exécutées d’une seule main, permettant aux kayaks de glisser enfin.

Même dans une euphorie la plus totale à l’affût de chaque sortie, j’ai toujours pris le temps d’apprécier cet instant magique à la limite d’un rituel, pendant lequel, mes jambes pénètrent à l’intérieur de l’hiloire. Mes orteils, au travers de mes chaussons néoprène, cherchent à l’aveugle les cales pieds montés sur glissières. A leur contact, j’effectue cet appui qui viendra tendre les câbles latéraux pilotant le gouvernail, pendant que le bas de mon dos épousera définitivement le dossier. J’amorce l’arrière de ma jupe sous la gorge de l’hiloire, pour ensuite enchaîner avec une poussée ferme et franche de cette même jupe vers l’avant en clipsant l’opposé. Viendra ensuite les deux dernières petites tensions latérales qui scelleront non seulement la totalité de la jupe sur l’hiloire, mais également le lien qui nous unis moi et mon destrier océanique. Je saisi avec délicatesse l’une des pales effilées de ma pagaie bois traditionnelle pour recentrer cette dernière et caler mes deux mains à la naissance de ces mêmes pales. Je ressens pendant le mouvement les quelques effluves d’huile de lin utilisée pour nourrir et entretenir le cèdre rouge, composant principal de cet outil de propulsion ancestral. Ils se lient dans une osmose parfaite aux parfum des embruns marins caressant par la même occasion mon visage.

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Derniers préparatifs © Christophe BONNIN

Christophe en selle également, empoigne sa VHF et lance un appel sur le canal commun que nous partageons avec Laurent pour lui signaler notre présence. Pas de réponse.

Connaissant suffisamment son compère et ses habitudes, il m’invite à mettre le cap sur la pointe du chenal de la Perrotine.

A son embouchure, nous apercevons au loin un kayak ressemblant à un Ysak couleur gris storm échoué sur une plage bordée de quelques tapis d’algues déposés par la marée.

Derrière lui trône fièrement un amas de blocs rocheux, matérialisant la digue séparant le chenal de la plage. La marée encore sur la descendante imprimera son passage sur cette digue au travers d’un dégradé gris pierre du sommet, pour s’étendre à son embase d’un vert couleur algue.

Juste derrière le kayak, son propriétaire, ajustant son camel-bag sur son gilet à l’aide d’un filet de fixation fait maison, lève la tête en notre direction.

– Salut les gars!

Je lui renvoie la politesse, heureux de pouvoir faire également sa connaissance et mettre enfin un visage derrière ce pseudo énigmatique: « NGI17390 » dont l’étymologie m’est pour l’instant inconnue.

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Laurent à la sortie du chenal de la Perrotine © Christophe BONNIN

Une fois en piste, nous abordons la première étape de cette balade nautique, et mettons le cap sur le Fort Boyard. Il nous faudra avaler un peu plus de 3km avant de pouvoir prendre l’assaut de cet édifice que je convoitais du haut de mes 10 ans. Epoque qui remonte à presque 30 ans en arrière, lorsque Patrice LAFFONT allait, sans le savoir, vivre l’apothéose de sa carrière de présentateur en animant ce jeu télévisé. Une émission devenue incontournable traversant plusieurs générations, et qui perdure encore à l’heure où j’écris ces quelques lignes.

J’impose sans le savoir un rythme soutenu au groupe, pagayant inlassablement avec une frénésie certaine. Décidé à rattraper tout ce temps perdu depuis ces années 90. L’étrave telle une lame aiguisée fendra chaque petite vaguelette que maître Éole, dans un réveil paresseux, s’amuse à projeter contre nous. Ce qui s’apparente à un petit rocher au loin, grandit à mesure de notre progression. Les contours arrondis du monument se dessinent au fil des quelques centaines de mètres avalés et j’aperçois maintenant la face sud du Fort et sa tour de vigie. J’entendrais presque cette voix charismatique, caverneuse et remplie de sagesse du Père Fouras énonçant sa fameuse énigme, résonner dans ma tête.

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Cap sur Fort Boyard !!!

Une certaine appréhension viendra provisoirement faire de l’ombre à cette excitation de voir et de contempler de près ce lieu médiatique. Selon les dires de mes compères, lors des journées de tournage, une vedette rôde régulièrement autour de l’édifice tel un Cerbère s’appropriant jalousement les lieux et dissuadant tout intrus de pénétrer au-delà d’une certaine distance.

Nous tentons alors une approche furtive, nous préparant dans l’éventualité à faire usage de cet argument imparable de la personne naïve et ignorante ne connaissant pas les lieux, et armé d’une politesse sans failles dans l’espoir de minimiser au mieux les risques de sanctions verbales ou autres.

Les quelques petites vaguelettes rencontrées au départ se métamorphosent désormais en légères ondulations à mesure que nous approchons du Fort.

Sa face Ouest attire immédiatement mon attention. J’aperçois une plateforme montée sur quatre pylônes d’un noir intense excepté sur leurs embases, recouvertes d’un léger dégradé blanc sel venant maculer leurs parties immergées au rythme des marées. Une passerelle métallique renvoyant les reflets aveuglants d’un soleil presque au zénith relie ce monstre moderne à quatre pattes à ce monument historique datant des années 1800. Il s’en résulte une cassure esthétique entre ces deux époques faisant tâche d’huile, et fracassant par la même occasion tous mes espoirs de pouvoir observer quelque chose d’authentique.

Arrivés au Fort !!!© Christophe BONNIN

Christophe & Laurent avaient quant à eux anticipé ma réaction.

La production se garde bien de filmer cette plateforme pourtant essentielle au bon déroulement de l’émission, préférant mettre en valeur la face opposée du fort, beaucoup plus esthétique pour nous autres téléspectateurs. Les premières secondes à la vue de cette supercherie sont difficiles à encaisser, mais rapidement, je me laisse envahir par l’immensité de ce mastodonte et cette proximité incroyable qui me tient en respect.

A son embase, une ceinture haute de plusieurs mètres couleur vase, mouchetée de coquilles d’huitres, témoigne des caprices de la marée sur ses plus forts coefficients.

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© Christophe BONNIN

Mes hôtes, par habitude n’ont plus la même vision, préférant relayer ce fort à un simple rocher. Malgré tout, je ressens en eux cette joie perpétuelle qui les animent de pouvoir partager avec leurs congénères venus de contrées lointaines, leur patrimoine touristique.

La traditionnelle séance photo incontournable commence. Je jubile comme un gamin franchissant pour la première fois le seuil d’entrée d’un grand parc d’attraction connu de tous.

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Nous partageons l’affiche aux côtés d’un catamaran titanesque, proposant diverses croisières à la voile. Les quelques touristes à bord, profitent tout comme moi de ce spectacle saisissant.

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Sous l’écrasante chaleur d’un soleil désormais à son apogée, nous mettons maintenant le cap en direction de l’île d’Aix pour notre petite pause repas.

Vue de la carte, sa forme pourrait s’apparenter à celle d’un croissant. Est-ce le rapprochement visuel entre cette île et la viennoiserie traditionnelle ? Mais toujours est il que mon estomac, malgré un petit déjeuner bien chargé, commence à crier famine. A peine le Fort délaissé de quelques centaines de mètres que nous apercevons rapidement la « plage du Tridoux », appelée également « Grande Plage ». D’autant plus grande que la marée à cette heure, vient de finir son cycle pour embrayer sur le suivant, laissant pour le moment une énorme étendue de sable sur laquelle viendront s’échouer nos étraves. Nous traînons nos kayaks sur quelques mètres, le temps de nous restaurer sans que nos frêles esquifs ne soient emportés par les eaux montantes.

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 Île d’Aix: Arrivés sur la plage du Tridoux © Christophe BONNIN

La vue sur le Fort depuis la plage est tout simplement magique. Alternance entre diverses teintes bleutées propres à la profondeur de l’eau sur des tons azurs mélangés à quelques reflets céruléens projetés de façon linéaire au gré des horizons, derrière lesquelles trône le Fort avec en arrière-plan une longue bande de sable bordant l’île d’Oléron de Boyardville à St Denis d’Oléron reflétant les éclats scintillants qu’Hélios projette abondamment.

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Vue sur le Fort & l’île d’Oléron © Christophe BONNIN

Mon expérience de marin d’eau douce commence à se faire ressentir. Pendant que je me prélasse sur la plage, m’abandonnant complètement à la digestion d’un repas bien mérité, mes deux compères quant à eux, scrutent régulièrement depuis ce matin leur montre et leur GPS. C’est un réflexe dont je suis totalement dépourvu. La navigation sur l’océan, contrairement aux lacs de ma région, nécessite une certaine vigilance concernant l’évolution de la marée, et ce, afin de ne pas se retrouver en difficultés face à des courants importants, ou de nous échouer sur des parcs à huitres si nous venions par mégarde de louper le créneau horaire de navigation.

Bref, vous l’aurez compris, inutile de jouer aux phoques paresseux, soucieux de se faire dorer la pilule sous ce soleil pourtant généreux. On remballe le matériel, clipsant les trappes étanches et reprenons notre odyssée.

Nous contournerons l’île sur sa face Ouest pour rejoindre sa partie Nord. Quelques petites vaguelettes nous ballottent, mais ne perturbent en rien notre navigation.

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Plage des « Sables d’Or » © Christophe BONNIN

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Coincée au creux des récifs bordant la face Nord, la petite plage des « Sables d’Or » de part son nom, affiche non seulement une belle pellicule sableuse aux tons précieux, mais également une végétation garnie de pins, arbousiers et autres éléments de la gent végétale qui me feraient presque croire que nous nous sommes échoués sur une plage de la méditerranée. Toujours dans un souci d’être en parfaite adéquation avec les caprices de la marée, nous délaisserons prématurément cet endroit magique au profit d’une nouvelle destination :

L’île Madame.

Avant d’avaler de nouveaux milles nautiques, je me retourne une dernière fois vers l’île d’Aix, contemplant la pointe de Coudepont, symbole d’un au revoir furtif. Cette mécanique effrénée entre les rouages du temps qui passe me laisse un léger goût amer d’inachevé quant à la contemplation et l’exploration de ces lieux. Je me console, en me promettant un jour d’y retourner.

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Christophe & Laurent devant la Pointe de Coudepont

Face à nous, une masse sombre pointe le bout de son nez. Christophe et Laurent ont choisi volontairement d’inclure cet édifice sur notre route. Construit après la bataille de l’île d’Aix afin de protéger l’arsenal de Rochefort, le Fort Enet, beaucoup plus discret que son cousin « Boyard » viendra agrémenter notre randonnée nautique. La hauteur d’eau augmentant au fil des heures nous permettra de franchir aisément la passe d’accès immergée, serpentant depuis la pointe de la Fumée. Cette piste de 1,6km permet aux visiteurs à marée basse, d’accéder à pieds à ce site classé depuis le continent.

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Christophe devant le Fort Enet

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Fort Enet © Christophe BONNIN

Propulsés comme jamais par les courants de marée, l’île que l’on convoitait s’approchera avec des vitesses frôlant les 10 km/h. Ce sera sur une plage de galets en osmose avec un résiduel sableux derrière laquelle trône une digue protectrice, et toujours sous un soleil de plomb, que nous foulerons quelques mètres carrés de l’île. Le temps pour moi de sortir mon réchaud et de porter quelques centilitres d’eau à ébullition pour offrir généreusement à mes hôtes un bon café soluble avant la dernière partie de cette journée.

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Christophe à bord de Curiosity avec vue sur l’île Madame © Christophe BONNIN

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Débarquement sur l’île Madame © Christophe BONNIN

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Votre serviteur © Christophe BONNIN

Les yeux rivés vers l’Ouest, nous contemplons l’île d’Oléron. Elle peine par sa distance éloignée à se dessiner sous ce fond uniforme d’un bleu tropical et ces autres teintes océaniques.

Nous voilà face à notre dernière ligne droite pour rallier la pointe du chenal de la Perrotine. Impossible pour l’instant à cette distance avoisinant les 10km d’apercevoir ce chenal. On s’en remet à nos GPS pour tenir le cap, et surtout à notre mental pour affronter les éléments qui semblent prendre forme au large.

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GPS & matériel embarqué de Christophe © Christophe BONNIN

Le plateau des Palles, incontournable pour la pêche à pieds s’étend sur les deux premiers kilomètres. Un numéro de haute voltige illustré par des Sternes Pierregarin viendra fendre le ciel. Plusieurs flèches blanches propres à ces hirondelles des mers se propagent de façon anarchique avec des vitesses incroyables mêlées à ce fameux « kirri…kirri…kirri » reconnaissable parmi tant d’autres. D’autres laridés tentent également de se faire une place dans ce brouhaha anarchique.

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Le Plateau des Palles © Christophe BONNIN

Rien ne semble, pour l’instant freiner notre progression. Nous glissons sur l’eau avec une aisance certaine avec dans l’espoir d’atteindre rapidement Oléron.

Les cris stridents de nos amis à plumes commencent à s’atténuer au rythme de nos coups de pagaie. Devant moi, j’observe cette étendue d’eau qui semble présenter au loin de légers picotements de surface. Nous ne sommes pas encore dans la zone concernée, mais cela ne semble présager rien de bon. On poursuit sur notre lancée, bien décidés à boucler la boucle. Nos étraves continuent inlassablement de fendre la surface de l’eau jusqu’à cet instant précis où nous pénétrons dans le secteur tant redouté.

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Laurent devant le plateau des Palles © Christophe BONNIN

Un flux d’air imposant se dresse face à nous, se plaquant violemment contre mon visage. Surpris aux premiers abords, je passe la deuxième, et garde le rythme avec arrogance face aux éléments qui semblent vouloir me provoquer. Mais Éole ne souhaite pas en rester là et impose sa volonté. Il nous expédie d’autres sbires qui manquent de peu d’arracher de mes mains ma pagaie. J’appuie fermement sur cette dernière, à la manière d’un sceptre transperçant les eaux tumultueuses, voulant moi aussi le contraindre à me laisser avancer dans ce rapport de force. Il réplique de plus belle en soulevant maintenant les premières vagues qui viendront non seulement se fracasser sur le pont du kayak mais également sur mon visage. Ce fourbe se joue de nous. Je perçois presque son rire narquois au travers de ses sifflements venteux mélangés aux embruns. Sa force tend à me faire dévier de ma trajectoire. Je redresse mon embarcation, les pieds et genoux enfoncés sur les cales, amorçant des hanches un mouvement violent de la gîte accompagné d’un geste circulaire de ma pagaie pour aligner de nouveau la pointe avant face à notre destinée. Il enchaîne maintenant avec d’autres vagues plus imposantes venant de travers, frappant sans répit les flancs du kayak. C’est un véritable combat épique qui s’engage sur cette dernière traversée. Il ne manquerait plus qu’un « Don’t Think Now is the Best Time » d’un Hans Zimmer survolté pour enrober cette ambiance à la sauce « David contre Goliath ». Je tourne la tête, cherchant du regard Christophe et Laurent qui avancent eux aussi avec la même frénésie, couchés sur l’avant de leurs navires en opposant le moins de résistance possible face aux caprices éoliens qui nous entourent. Leurs visages ne laissant transparaître aucune inquiétude, j’en déduis que la situation est encore sous contrôle, et me focalise à nouveau sur notre objectif commun. J’occulte également tous les repères visuels aux alentours, à commencer par le Fort Boyard au loin, toujours immobile, témoignant de la lenteur de notre progression, afin de préserver mon moral.

Dans les vagues contre les vents © Christophe BONNIN

Pour ne rien arranger, nous essuyons les agressions solaires du disque de feu amorçant son déclin, projetant à la hauteur de notre regard, ses rayons aveuglants. S’ajoute à cette vision brûlante, la force et les courants de marée que nous subissons de plein fouet, bien décidés à nous barrer la route. Dans ce tumulte, je décide d’abattre ma dernière carte et empoigne fermement la corde dédiée, orchestrant un fort mouvement de traction qui viendra déployer mon gouvernail. Il m’économisera le peu d’énergie qu’il me reste pour venir à bout de ce combat titanesque qui aura duré pas moins de deux heures et demie pour effectuer seulement 8 km.

© Christophe BONNIN

A l’issue de cette lutte acharnée, nous apercevons enfin cette étendue de sable salvatrice, matérialisant la plage de Boyardville à proximité du chenal de la Perrotine. Déserte ce matin lors de notre départ, elle est désormais noire de monde. Le rythme intense de notre mouvement de pagaie exécuté de façon mécanique au risque de faire surchauffer la machine, laissera place à un relâchement total des muscles sollicités. La pagaie posée à l’horizontale sur le pont, je me laisse dériver avec légèreté, cambré à l’arrière du kayak, étirant tout le haut de mon corps, en orchestrant une profonde inspiration, les avant-bras immergés dans l’eau salée. Epuisé comme jamais, j’exulte intérieurement. Fier d’avoir non seulement réalisé mon rêve de gosse à la vue du Fort, mais également d’avoir tout donné dans la douleur, repoussant une fois de plus mes limites.

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Enfin arrivés !!! © Christophe BONNIN

Nous raccompagnons Laurent à la pointe du chenal de la Perrotine. Avant de nous séparer, je remercie chaleureusement mes deux compères pour leur accueil, la découverte de leur patrimoine nautique et cette superbe séance cardio de fin de parcours qui va me laisser, au travers des crampes à venir, de superbes souvenirs !!!

Merci à vous d’avoir pris le temps de lire ces quelques lignes. En récompense je vous propose un superbe montage vidéo de notre ami Christophe résumant cette superbe journée.
Bon visionnage

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CORNETTO Yves

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Chapitre II: Le Pertuis de Maumusson

[Photos] La Valouse

Initialement, nous avions prévu d’aller travailler dans les courants à l’espace d’eau vive de Sault Brénaz. Mais les dernières mesures pour lutter contre le COVID 19 prises par le gouvernement en ont décidé autrement.
Au final, ce sera une sortie improvisée aux côtés de Laurent NICOLET qui a eu la gentillesse de nous servir de guide sur un superbe spot qu’est la Valouse.
Une rivière, certes, un peu éloignée de notre territoire, serpentant dans le département du Jura avant de rejoindre la rivière d’Ain.
Embarquement vers Valfin sur Valouse pour un parcours de 14 km avec en prime une superbe visite de la Caborne du Boeuf en mode spéléo.

Encore un immense merci Laurent!!!

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Le Rhin – Dernier Jour

Samedi 25 Mai 2019 – 12:20

1194,2 km!!!!

Distance désormais officielle de cette descente du Rhin terminée avec brio!!!!!

Un peu frustré de ne pas avoir arrondi ce chiffre déjà incroyable à 1200 km, mais qu’importe! Cette aventure titanesque viendra garnir le tableau de chasse (déjà bien chargé) de notre ami Rikou!

Arrivé sans encombres à destination avec un temps splendide (bon, quelques petits crachins en début de matinée), sans vent. Bref, des conditions « aux petits oignons » pour terminer ce périple de la meilleure manière qu’il soit!

Dernière distance parcourue: 27 km! Une simple formalité pour cet avaleur de miles!

Un énorme BRAVO Rikou pour cette aventure! Merci à toi de nous avoir permis de vivre par procuration ce périple varié (neige au début pour un temps clément à la fin)

Ci dessous, la carte globale avec les étapes réalisées:

Et pour finir en beauté, quelques photos!!!!

Le Rhin – Avant dernier Jour!!!

Vendredi 24/05/2019 – 61 Km

Dernier bivouac…

Comment retracer fidèlement les émotions et toute cette montée d’euphorie intérieure ressenties juste avant le grand final?

Nous venons justement de partager au téléphone ces sentiments étranges. Charnière entre l’aventure qui va bientôt se terminer et tout le chemin parcouru jusqu’à présent.
J’ai souvent tenté via mes propres comptes rendus de retracer ce mélange de sentiments contraires, entre euphorie et mélancolie. Cette symbiose paradoxale qu’il me plaît d’apprécier au delà même de la réussite d’un défi.

Tout ça pour vous dire que Rikou est justement aux portes de la réussite!
Le vieil adage « Ne pas vendre la peau de l’ours… » est toujours de rigueur. Mais le faible kilométrage qui lui reste à parcourir (à peine 30 km) ainsi que la fenêtre météo généreuse de demain, lui enlèveront tout obstacle, voir même, lui ouvriront le chemin final qui, une fois la ligne franchie, transcendera notre serviteur!

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Ci dessous, la carte globale avec les étapes réalisées:

La suite au prochain épisode

Le Rhin – Jour 19

Jeudi 23/05/2019 – 73 Km

Le kilométrage total assimilé depuis le début de l’aventure s’articule depuis quelques jours avec 4 chiffres: 1105 km!!!!

Et pour enrober généreusement les dernières étapes de ce périple incroyable, le soleil a accompagné Rikou toute la journée, avec toutefois une petite nuance qui s’est invitée vers 15h30 avec un vent contraire, bien décidé à ne pas se faire oublier et toujours autant de circulation fluviale.

Vendredi, en fonction de la forme, de la météo et du trafic fluvial, il se peut bien que notre héros vienne à bout de ces 1223 bornes!

Aller Rikou!!! C’est pratiquement dans poche!!!!!!

Ci dessous, la carte globale avec les étapes réalisées:

La suite au prochain épisode