[Hors Série] Le Pertuis de Maumusson

Bienvenue sur ce deuxième chapitre !!!

Si vous avez raté le premier sur la prise d’assaut du Fort Boyard, je vous invite à le lire ici:

A l'assaut du Fort Boyard
A l’assaut du Fort Boyard

 

Pour ce deuxième opus, juste avant de monter à bord, attendez vous à non seulement vivre par procuration une odyssée incroyable entre l’estuaire de la Seudre et le Pertuis de Maumusson, mais également à prendre place dans les méandres de la mémoire de votre serviteur.

Bonne lecture!

Prologue…

Mardi 25 Septembre 1990

  • Les enfants ! On avance et on reste groupés !

Cette consigne répétée maintes et maintes fois depuis le début de notre séjour résonne désormais dans nos têtes comme une impression de déjà-vu. Les institutrices, accompagnées de quelques parents encadrants, veillent à ce que cette masse juvénile de 42 élèves dont je fais partie reste compacte.

Nous foulons un chemin forestier maculé de nappes sableuses parsemées d’aiguilles de pin. Au pied de chaque conifère gisent quelques cônes desséchés partiellement recouverts. Un parfum aux notes résineuses propre à la pinède où nous évoluons embaume nos narines, accompagné de teintes salées émanant des embruns.

Le soleil, tamisé par ces pins maritimes se propage par petits rayons lumineux façonnés au travers d’une fine pellicule de poussière en suspension. En résulte une ambiance filamenteuse aux multiples projections qui viendra teinter par petites touches dorées cet univers forestier.

La hauteur de la végétation environnante nous renvoie sans contestations possibles à nos petites tailles. Comme le chantait si bien Souchon « J’ai dix ans », j’arborais cet âge avec fierté. Ma première décennie écoulée, en classe de CM2, et par la même occasion, sur la dernière marche à franchir avant le collège.

Le Sou des écoles, aidé de notre commune, du conseil général et d’autres âmes charitables nous ont permis de lever suffisamment de fonds pour nous offrir ce séjour scolaire au point cardinal radicalement opposé à celui de notre région. Il nous suffisait tout simplement de tracer une ligne parfaitement horizontale sur la carte de France, partant de notre village d’Anglefort en direction de l’Ouest pour atterrir à vol d’oiseau 540 km plus loin sur l’île d’Oléron.

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Cette escapade dans la Forêt domaniale de St Trojan avait un léger goût amer d’un « au revoir », clôturant ainsi presque une semaine d’aventure insulaire.

La masse végétale propre à cette pinède s’estompait à mesure de notre progression jusqu’à nous révéler les premières dunes protectrices. Nous arpentons un léger dénivelé sableux juste avant d’apercevoir au loin une étendue d’eau infinie matérialisant le Pertuis de Maumusson.

Echoué quelque part sur la face ouest de la pointe de Gatseau, notre groupe, que les adultes avaient eu tant de mal à contenir, se disloque de façon anarchique, chacun voguant malgré tout en direction de l’océan. Quelques méduses « chou-fleur » probablement surprises par la marée descendante, terminaient leur existence de façon pitoyable, gisant sur un sable humide caressé des dernières vagues. Cette scène de désolation attisa toutefois notre curiosité, et par petits groupes, nous nous rapprochons, sous l’œil bienveillant des encadrants. Les plus courageux d’entre nous s’armeront d’un morceau de bois, tâtant l’ombrelle jaunâtre et semi translucide aux allures visqueuses de la pauvre bête qui ondule tel un bloc de gélatine sous la pression exercée.

Lassé et me sentant oppressé par la masse agglutinée autour de la méduse qui a depuis des lustres passé l’arme à gauche, je m’isolais de mes congénères, captivé par ses mugissements lointains émanant au large.

« Entendez mugir le Pertuis de Maumusson »

Perfusé à l’époque d’émissions TV dont la plus célèbre propageait une quantité innombrable de dessins animés, mangas et autres, j’étais, il faut bien l’avouer, complètement hermétique à cette citation poignante de Victor HUGO, symbolisant à elle seule toute la puissance qui régnait en ces lieux.

La maturité me faisant cruellement défaut, je n’avais aucune conscience de l’environnement dans lequel j’évoluais. Considéré comme l’un des nombrils de la mer, j’étais comme imprégné de cette force colossale qui me faisait vibrer de l’intérieur. Un sentiment étrange que je n’avais pour l’instant jamais ressenti commençait à prendre place et allait marquer de façon indélébile les entrailles de mon âme. Je restais figé, face à ce tableau de maître. Une toile sincère aux tons naturels, dépouillée de tout artifice, superposait à mon regard de gosse cette surface sableuse à la texture dorée se noyant dans un dégradé humide aux notes d’écumes avant de se lier à une étendue océanique mélangée de masses sombres et azurées derrière laquelle, juste avant d’arborer ce fond céleste, trônaient majestueusement en maîtres incontestés des lieux, ces rouleaux d’écumes étirés à perte de vue, façonnant ces déferlantes tant redoutées des marins, martelant perpétuellement les haut fonds sableux.

Fasciné par cette symphonie aquatique aux notes fracassantes, j’étais comme hypnotisé, occultant involontairement les consignes des institutrices désireuses de reformer le groupe au plus vite et vaquer à notre agenda.

  • Les enfants ! En route !

La logique n’avait aucun sens en ces lieux. A croire que même les lois de la gravité n’étaient plus régies par le sol, mais par cette force au large qui me poussait à rester.

  • On se regroupe les enfants !

Le sentiment d’être seul au monde, attiré par cette ode à la liberté, au point même d’oublier complètement les autres visites effectuées sur l’île (le port de la Côtinière, le phare de Chassiron, le Château d’Oléron etc…).

L’un des parents accompagnateurs, quelque peu excédé, viendra m’extraire de ce spectacle saisissant.

Je rejoins le groupe avec une certaine frustration, laissant derrière moi un sentiment d’inachevé. Un goût amer, à l’instar d’une personne chère à mon cœur à qui je dois faire mes adieux, accompagne alors mes pas sur un tapis de sable encore humide que la marée viendra effacer…

Le Pertuis de Maumusson

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Vendredi 19 Juillet 2019

Une image d’une symétrie frôlant la perfection défile sous mes yeux. Les rambardes s’enchaînent les unes après les autres à la périphérie de mon regard, entrecoupées de perches légèrement courbées matérialisant l’éclairage, avec en arrière plan, cette étendue bleutée laissant entrevoir quelques hauts fonds. Je quitte provisoirement l’île d’Oléron, évoluant sur le viaduc du même nom.

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Christophe m’avait transmis la veille ce précieux sésame symbolisant le lieu de notre rendez vous. Après avoir rejoint le continent et franchi le viaduc de la Seudre, je me retrouve au dernier kilomètre encerclé de marais salants, longeant le chenal de l’Eguillatte. J’accompagne ce même chenal jusqu’à son embouchure avec la Seudre, symbole de notre point de ralliement. Perdu au beau milieu du bassin de Marennes-Oléron, je me retrouve sur un parking dépourvu de marquage au sol. Il est délimité de part et d’autre d’une multitude de supports en ferraille empilés les uns sur les autres arborant cette teinte orangée témoignant d’une oxydation prononcée.

D’une ponctualité redoutable, la fameuse Starlet chevauchée par « Curiosity » m’emboite le pas.

Cette fois ci, inutile de me précipiter comme à Boyardville, je me cale sur le rythme de Christophe pour préparer tranquillement mon matériel.

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La Starlet de Christophe au départ – © Christophe BONNIN

A la manière d’un guide touristique dont il endosse à merveille l’allure et la pédagogie, il me prodigue quelques conseils sur la navigation au rythme des marées pour parfaire mon initiation.

Au programme, nous descendrons la Seudre jusqu’à son estuaire, en utilisant justement les courants d’une marée descendante qui auront pour effet de nous propulser sur l’eau sans le moindre effort de notre part. On improvisera la suite dans l’estuaire entre la plage de Gatseau, celle du Galon d’Or et pourquoi pas, aller faire un tour vers St Trojan. Nous profiterons par la suite du renversement de la marée prévue aux alentours de 12h00/13h00 pour remonter avec le courant  inverse qui nous poussera jusqu’à notre point de départ.

Une rampe spacieuse à seulement quelques mètres accueillera nos kayaks, nous permettant ainsi de nous économiser d’un chariotage fastidieux.

Rampe d’embarquement  – © Christophe BONNIN

Une fois sorties du chenal de l’Eguillatte, nos étraves gouttent désormais la saveur des eaux de la Seudre. Ces dernières, renvoient quelques reflets métalliques d’un soleil tentant de se frayer un chemin au travers d’un léger moutonnement nuageux.

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Sur le chenal de l’Eguillatte avec au loin la Seudre

Les prévisions sont formelles, ces quelques nuages perturbateurs seront rapidement dilués au profit de tons célestes uniformes.

La quiétude qui régnait en ces lieux il y a encore quelques dizaines de minutes sera régulièrement entrecoupée de bateaux pour le moins atypiques. Défilants les uns après les autres, ces chalands, embarcations à fond plat, utilisés principalement pour l’ostréiculture, se ruent eux aussi dans l’estuaire de la Seudre. Leurs proues relevées, ils filent à vive allure, sculptant dans leur sillage de belles vagues sur lesquelles nous nous essayons au surf. On se prend au jeu, en orchestrant de vives accélérations dans l’espoir de caresser l’inertie de ces mêmes vagues avant de se laisser porter sur leur dénivelé, ajustant avec précision notre direction en combinant la gîte et quelques mouvements arrières de la pagaie pour faire durer le plaisir au maximum. Ces quelques exercices grisants rythment le parcours et cassent un peu la monotonie platonique d’une Seudre s’étirant face à nous jusqu’à perte de vue.

Un des nombreux chalands –  – © Christophe BONNIN

Mon guide perso me convie à une petite halte dans l’embouchure du chenal de la Tremblade, lieu mythique et incontournable pour tout amateur d’huître.

La France, au pied du podium, derrière la Chine, le Japon et la Corée, fait partie des plus gros pays exportateurs au monde. La Tremblade, intimement liée à Marennes, située sur la rive opposée de la Seudre, abrite l’un des plus importants sites d’affinage et de production d’huîtres d’Europe. Le ballet de vas-et-viens des chalands observé tout à l’heure n’était pas anodin. Les ostréiculteurs profitent eux aussi de la marée descendante, non pas pour se prélasser comme nous autres kayakistes, mais pour utiliser l’un des seuls créneaux disponibles offert par dame nature pour exercer leur métier et ce, tous les jours de la semaine, y compris les week-ends.

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Le chenal de la Tremblade  – © Christophe BONNIN

Je remercie Christophe pour cette mise à jour de ma base de données culturelle et nous orientons maintenant la pointe de nos kayaks en direction du viaduc de la Seudre (traversé ce matin même en voiture), symbole de notre arrivée imminente dans l’estuaire.

Plusieurs piliers alignés émergent les uns après les autres face à nous. Ils soutiennent cette ligne de béton à la courbe discrète bombée vers les cieux, découpant l’horizon.

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Vue sur le viaduc de la Seudre

Telle une locomotive, une barque rouge motorisée tractait plusieurs petits voiliers d’initiation du centre nautique « Charline Picon« . Dans un défilé processionnaire, ces coquilles de noix évoluaient les unes derrière les autres. Leur voiles, estampillées du logo d’un opérateur téléphonique connu de tous plaqué sur un fond turquoise, semblaient propager cette même teinte turquoise au ciel, déchirant par la même occasion les dernières petites masses nuageuses affaiblies, laissant le champ libre aux rayonnements solaires qui viendront jouer leur plus belle partition.

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Les petits voiliers du centre nautique « Charline Picon » – © Christophe BONNIN
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– © Christophe BONNIN

Cap vers l’Ouest, en direction de la plage du Galon d’Or. Au passage, Christophe m’invite à jeter un petit coup d’oeil amical sur la plage de Ronce Les Bains, et plus particulièrement sur l’établissement trônant fièrement en arrière plan.

« Le Brise-Lames »

Le Brise Lames, Restaurant de cuisine traditionnelle à avec ...
Le Brise Lames  – © http://www.linternaute.com

Partageant la même structure que l’hôtel « Le Grand Châlet », ce restaurant, proposant une cuisine traditionnelle, emploie notre ami Laurent en tant que chef qui, pour des raisons professionnelles aujourd’hui, troquera justement sa pagaie bois contre un ustensile du même matériau avec lequel il doit probablement remuer et aérer les quelques ingrédients en cuisson, libérant ainsi diverses saveurs qui embaumeront les narines de la clientèle attablée.

Les parcs à huîtres libérés par la marée descendante nous barreront la route et nous ôteront tout espoir de débarquement possible pour aller rendre visite à notre compère. On lui transmet malgré tout une petite pensée amicale juste avant que nos étraves s’échouent quelques kilomètres après  sur la plage du Galon d’Or.

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La plage du Galon d’Or

Un balisage agrémenté de plusieurs panneaux aux couleurs vives nous indiquent clairement que nous ne sommes pas les bienvenus en ces lieux. Par arrêté municipal, la baignade ainsi que la circulation à pied sur une partie de l’estran sont formellement interdites. L’évolution du trait de côte et la présence de sables mouvants présentent des risques potentiellement mortels.

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La plage du Galon d’Or et la signalétique de danger  – © Christophe BONNIN

En évoquant de tels risques dans cet étranglement marin entre Oléron et le continent. Difficile de ne pas évoquer « Le Pertuis de Maumusson ». En tendant bien l’oreille, nous arrivons sans problème à distinguer ces grondements lointains qui, en premier lieu me rappellent ceux des seuils rencontrés sur le Rhône.

Mais quelque chose de plus intense accroche mon attention…

Je me paye le culot de demander à Christophe jusqu’à quelle distance pouvons nous approcher cette zone tant redoutée des marins. Hésitant au départ, il m’invite malgré tout à prendre la direction de la bouée d’atterrissage de Maumusson, reconnaissable à sa forme de phare aux tons sanguins entrecoupés de lames blanchâtres. Estampillée en lettres verticales « GALON D’OR », elle indique l’axe du chenal à emprunter en évitant aux plaisanciers de venir s’échouer accidentellement sur les bancs de sables avoisinants. Elle représente également une limite virtuelle, derrière laquelle le décor basculera radicalement.

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Face à la bouée d’atterrissage de Maumusson  – © Christophe BONNIN
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– © Christophe BONNIN

Les derniers courants de marée nous portent rapidement sur place. Les grondements montent en puissance. L’appréhension que j’éprouvais il y a encore quelques minutes se mue en une curiosité soudaine mélangée à un sentiment de fascination. L’imposante bouée désormais face à moi n’en est que transparente, noyée malgré elle par les mugissements et ces quelques brises émanant du large qui ont commencé leur processus de séduction. Elles caressent avec tendresse mon visage, m’invitant sans plus attendre à franchir la ligne rouge.

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Les mugissements du Pertuis de Maumusson  – © Christophe BONNIN

A l’instar des chants mélodieux des sirènes, la houle au loin, tentaculaire, s’empare de mon esprit. Par prudence, nous longeons avec Christophe la pointe de Gatseau observant de loin le phénomène. Mais cette manœuvre de retrait ne fera qu’attiser ma curiosité.

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La pointe de Gatseau

Est ce le hasard ou la providence? Mais toujours est il que notre positionnement géographique proche de la pointe de Gatseau et l’angle de vue qui l’accompagne, articulent mentalement les mécanismes complexes liés à un espace temps qui, au travers de ses rouages, amorce un forage intensif dans les entrailles de mon âme. Des souvenirs enfouis depuis presque 30 ans refont maintenant surface comme une lame de fond déferlant devant moi, superposant à mes yeux ce regard de gosse qui, en cette date du 25 Septembre 1990, observait du même endroit ce même tableau arborant les mêmes couleurs, la même symphonie, le même parfum.

Je revivais la scène en boucle, mais dépouillé de cette naïveté et cette insouciance juvénile.

Malgré la présence de Christophe à mes côtés, je me sentais en l’espace de quelques secondes seul au monde. Seul face à moi même, le regard planté dans le rétroviseur, arpentant toutes ces années écoulées jusqu’aux origines de cette rencontre. Revivant malgré moi ce sentiment d’inachevé à l’époque où j’avais dû à contre coeur rebrousser chemin.

Je reprends en main mes esprits, mais surtout ma destinée.

Je me sens dorénavant libre.
Délivré des obligations qui m’incombaient à l’époque.
Libre de ressentir pleinement à nouveau ces vibrations et cette attirance défiant les lois de la gravité sans qu’aucune personne aux alentours ne vienne parasiter et m’extraire de ce qui se présente face à moi comme un instant de grâce.

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Christophe face au Pertuis de Maumusson

Un autre phénomène que je n’avais pas perçu à l’époque se dessine au loin. Nous observons avec Christophe la naissance de quelques bandes dorées pointant le bout de leur nez à la surface et s’étirant sur l’horizon. Des bancs de sable au large, juste à proximité des déferlantes s’affichent désormais, leur fine granulométrie bombardée d’une lumière bienfaitrice d’un soleil nous surplombant au zénith, comme si les éléments réputés dangereux avaient choisi de nous gratifier d’un instant privilégié.

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Les premiers bancs de sable se dévoilent timidement  – © Christophe BONNIN

Hésitant au départ, mais toujours sous le charme des chants mélodieux aux notes fracassantes de la houle au loin, je décide de m’abandonner totalement et de me lier, au travers du peu de temps dont je dispose, à cette force colossale.

J’empoigne ma pagaie comme jamais, et dans un mouvement ample et déterminé, je dessine les premiers gestes qui me propulseront vers le large. Face à ces déferlantes dévastatrices, j’avance sans craintes, suivi de près par Christophe. Nous laissons derrière nous la pointe de Gatseau, sur laquelle nous observe encore, plusieurs décennies en arrières, l’ombre de moi même.

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Face au Pertuis de Maumusson  – © Christophe BONNIN
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Dans un élan de liberté – © Christophe BONNIN

Le sentiment d’êtres seuls au monde s’intensifie à mesure de notre progression. Suivi de près par un Christophe aux aguets, je lève les bras au ciel, exultant de joie, juste avant de m’échouer sur la première plage de sable émergée, trainant sur quelques mètres avec une certaine reconnaissance, mon fidèle destrier sans qui rien n’aurait été possible. J’effectue dans le calme et la plénitude, accompagné de ces mugissements perpétuels qui m’enivrent, une rotation sur moi même à 360°, profitant de ce panorama incroyable aux dimensions nouvelles, qui me ferait presque penser que nous nous sommes échoués comme deux exilés sur un continent nouveau.

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Un continent nouveau  – © Christophe BONNIN
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Seul au monde  – © Christophe BONNIN

Je foule dans le plus grand respect ce sol unique, évoluant dans ce sanctuaire, lui même  planté dans un décor presque irréel, avançant comme hypnotisé, face aux éléments au loin se déchaînant comme jamais. J’observe et fait partie intégrante de cette toile de maître, me rapprochant au plus près de ces déferlantes projetant leur écume avec force et violence sur les hauts fonds dans un rugissement contagieux. Je ressens les embruns, le souffle, la houle. Les yeux fermés, je me laisse le temps de quelques secondes, bercer intérieurement et bombardé par une énergie nouvelle me délivrant provisoirement des emprises du monde réel dans lequel j’évolue quotidiennement.

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Nos destriers océaniques  – © Christophe BONNIN

Machinalement, je sors mon appareil pour immortaliser l’instant, tout en sachant déjà qu’au plus profond de moi même, mon esprit a commencé à s’imprégner des éléments avec une fidélité incomparable. Elle est à des années lumières de ces suites binaires, matérialisant dans une succession de codes et d’algorithmes après avoir pressé le déclencheur, les quelques clichés qui viendront rejoindre ceux de Fort Boyard sur la carte SD.

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En quête de souvenirs  – © Christophe BONNIN

Christophe est formel, nous ne disposons plus que de quelques minutes avant que la situation ne nous échappe. La marée arrive au bout de son cycle et le renversement est imminent. Le sol que nous foulons, à l’instar de cette légende propre à l’Atlantide, finira sous les eaux tumultueuses accompagnées de courants violents, et dévoré par les rouleaux d’écumes qui semblent justement gagner du terrain.

La sensation de vivre quelques chose d’éphémère m’invite à en profiter comme jamais, ajoutant à ces quelques dernières secondes écoulées, une saveur toute particulière.

Je saisis maintenant la poignée avant du kayak, orchestrant un mouvement de traction pour le libérer de cette emprise collante propre à cette plage de sable à qui je dois faire mes adieux. Caressant les premiers centimètres d’eau salée, il m’attend, ballotté de gauche à droite. Je me retourne une dernière fois face au large, face à ces rouleaux d’écumes, laissant malgré moi un fragment de mon être, qui finira comme cette étendue vierge, sous les eaux et les mugissements du Pertuis de Maumusson.

Nous retournons sur nos pas, en direction de la pointe de Gatseau où nous comblerons ce vide abyssal, que l’on a tendance à ressentir après avoir été propulsé au sommet par cette poussée d’endorphines, par un bon repas bien mérité.

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Christophe quittant la plage éphémère

Je choisis volontairement d’amputer du récit que vous êtes en train de lire, les quelques lignes matérialisant la dégustation de victuailles, au profit d’un extrait de la vidéo de Christophe (que vous aurez l’occasion de parcourir en entier à la fin de ce compte rendu), qui à su d’une main de maître restituer les moments forts et poignants ressentis face au Pertuis de Maumusson.

On s’offre le luxe d’une bonne digestion, en observant au loin l’inversement des courants de marée, et attendant patiemment le bon créneau pour embarquer.

Une fois à l’eau, nous serons rapidement propulsés et ce, de façon violente par des courants de marée soutenus avec lesquels nous ne manquerons pas de jouer dans de belles petites vagues anarchiques générées au travers de ce goulet étroit entre la pointe Espagnole et celle de Gatseau.

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Christophe dans les courants de marée
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– © Christophe BONNIN

Petite halte à proximité de la baie de Gatseau à l’abri des courants. Une poignée de kayaks de location, reposant encore sur un sable brulant, attendent leurs pseudos propriétaires, qui, venant de s’acquitter du tarif horaire, goûteront eux aussi aux joies de la navigation à la pagaie.

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Baie de Gatseau  – © Christophe BONNIN
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St Trojan

Nous retrouvons nos courants bienfaiteurs, en se laissant dériver par ces derniers le temps de terminer définitivement notre digestion avant de nous engouffrer au large de St Trojan, à l’intérieur des méandres labyrinthiques de parcs à huîtres.

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Parcs à Huîtres
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– © Christophe BONNIN

On se faufile habilement au travers de chaque rangée, en prenant un soin tout particulier à ne pas les approcher davantage. Le tranchant des coquilles comparable à des lames de rasoir, risquent d’entailler sérieusement nos frêles esquifs. Les odeurs de marée, et son niveau montant à vue d’oeil, accompagnent nos derniers coups de pagaie avant de franchir dans le sens inverse le viaduc de la Seudre, symbole imminent de la dernière ligne droite de notre odyssée.

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Retour sur la Seudre

On se paie le luxe de sortir provisoirement de la Seudre, pour s’offrir une remontée du canal de la Tremblade avec une vue imprenable sur les cabanes ostréicoles alignées sur les deux rives opposées, témoignant de l’ampleur de l’activité dans la région, considérée comme l’une des plus importantes avec le tourisme.

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Sur le canal de la Tremblade – © Christophe BONNIN

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Les derniers kilomètres se feront dans la flemmardise la plus totale, la pagaie posée sur le pont, profitant de cette force incroyable que la nature, au travers de ce phénomène de marées, insuffle à nos bateaux, pour se laisser dériver jusqu’à notre point de départ.

Je remercie encore une fois de plus Christophe pour sa disponibilité, sa gentillesse et sa pédagogie. Il a malgré lui, joué un rôle important dans cette journée, en me permettant d’effectuer non seulement une superbe randonnée nautique, mais également un voyage intérieur dans les méandres de ma mémoire, en revivant ces sentiments poignants que je croyais égarés ces dernières décennies.

Je garde désormais gravés dans mon âme, ces mugissements lointains, récitant au travers de ces rideaux d’écumes, cette ode à la liberté, qui, à l’heure ou je termine ce compte rendu, raisonne encore dans ma tête.

Merci à vous d’avoir pris le temps de vous évader à mes côtés. Comme pour le premier chapitre, je vous propose pour clôturer dignement ce compte rendu, le résumé complet en vidéo de notre ami Christophe.

En espérant vous retrouver pour le dernier chapitre, je vous souhaite un bon visionnage!

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CORNETTO Yves

 

 

 

 

 

2 réflexions sur « [Hors Série] Le Pertuis de Maumusson »

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