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Encore une sortie insolite, que l’on pourra désormais ajouter à notre tableau de chasse.
Voilà maintenant quelques semaines que je guette scrupuleusement le débit du Rhône dans l’espoir que ce dernier n’excède pas 200 m3/s (débit mesuré sous le pont de la Loi).
En effet, au delà de ce seuil, il nous sera alors impossible de remonter le fleuve à contre courant, et plus particulièrement dans le secteur du Pont de la Loi. Le débit du Vieux Rhône additionné à celui de son canal en sortie du barrage de Châtel va générer un courant important qui en plus de gagner en intensité, nous stoppera net, voir nous fera reculer comme ce fût le cas au mois de Mai l’année dernière (débit enregistré supérieur à 500 m3/s).
Nous allons au travers de ce parcours audacieux côtoyer 3 départements: l’Ain, la Savoie et la Haute Savoie. Comme je l’ai déjà conté dans ce blog, le Rhône n’est pas une frontière, c’est à mes yeux au contraire un lien profond qui nous unis tous, Bugistes (Pour ne pas dire Aindinois, nom trouvé récemment par le conseil départemental de l’Ain afin de pouvoir enfin nous nommer), Savoyards et Hauts Savoyards.
Le hasard à voulu qu’en cette journée exceptionnelle, chaque département soit représenté par un kayakiste.
Lionel, habitant Valmeinier (Savoie)
Cédric, moniteur de kayak au sein du club de Sévrier (Haute Savoie)
Moi même, habitant du Bugey (Ain)
Et en bonus… Notre ami Rikou, qui malgré un passage difficile à l’heure d’été, viendra compléter le groupe représentant son département qui n’a d’autre nom que celui du fleuve que l’on va parcourir.
Le départ se fera du port de Massignieu de Rives.
C’est un lieu calme et idyllique, loin des zones où se regroupe la population et le tourisme de masse.
L’objectif est de rallier Seyssel en arpentant 23 km à contre courant principalement sur le canal de déviation afin de se réserver le meilleur (Vieux Rhône) pour la suite.
Dès le départ, Cédric prend une nette avance sur nous. En effet, de part son expérience et son embarcation taillée pour la vitesse, il est évident que nous ne boxons pas du tout dans la même catégorie.
Malgré tout, le lien entre nous se construit progressivement à mesure que nous avalons les kilomètres.
Après avoir franchi sans encombres le pont SNCF de Culoz, nous voilà maintenant dans la zone tant redoutée, celle du Pont de la Loi. Malgré un débit mesuré en dessous des 200 m3/s, on ressent pleinement la force du courant. On voit l’eau défiler, nous faisant presque croire que nous gagnons en vitesse. Mais en scrutant au travers de ces reflets cristallins, nous apercevons les galets tapis au fond qui peinent à avancer sous nos yeux.
Il va falloir jouer avec les quelques contres courants générés par les piles de pont ou les berges adjacentes pour s’économiser dans cette ascension.
Une fois l’ouvrage franchi, nous rejoignons rapidement le canal de déviation pour s’extraire au plus vite des courants résiduels afin de pouvoir souffler un peu.
Notre prochain objectif, rallier le barrage de Châtel pour notre premier portage de la journée.
Les demandes en électricité étant moindres le week end, le canal en sortie du barrage présente peu de courant. La planéité parfaite de l’eau en surface nous ferait presque croire que nous naviguons sur un lac.
Rapidement, l’ouvrage convoité se dessine devant nos yeux et la rampe de débarquement apparaît quelques minutes après.
Dernière partie du canal avant de rejoindre le fleuve principal en amont du barrage de Motz. Un canal long de 5 km dont une partie est constituée d’une ligne droite quasi parfaite sur 3,5 km.
A ce niveau du parcours, le Grand Colombier qui régnait en maître sur la partie sud cèdera sa place au massif du Grand Crêt d’Eau dominant le Nord. Il en impose d’avantage avec presque 100 mètres d’écart que notre géant du Bugey.
Quelques dernières traces de neige persistent sur son sommet. Signe que malgré un soleil bien présent, il n’est pas encore temps de tomber la veste. D’ailleurs un vent frais venu du nord viendra chatouiller notre visage, parasitant légèrement notre remontée.
Nous arrivons maintenant à proximité du barrage de Motz, symbole de notre deuxième portage que nous effectuerons tout à l’heure, après avoir fait demi tour à Seyssel.
Seyssel…
Cette, ou plutôt ces deux communes homonymes sont limitrophes l’une de l’autre, séparées par le Rhône.
Ces deux entités vivent en harmonie reliées par 2 ponts.
Un premier à haubans, mis en service en 1987 que nous apercevons au loin, nous guidera jusqu’à l’entrée de la ville.
Quand au deuxième, il ne tardera pas à se dévoiler une fois son cadet franchi.
Le « Pont de la Vierge Noire » ou « Vieux Pont de Seyssel » date de 1840 et représente un lien fort entre ces deux communes situées sur deux départements différents (Ain & Haute Savoie).
Je faisais référence à plusieurs reprises dans mes récits précédents sur l’émotion forte et poignante que je pouvais ressentir lors de mes traversées de Lyon en kayak. A plus petite échelle, je découvre que Seyssel, parcourue dans le sens inverse du Rhône procure autant de magie. A ce décor, s’ajoute également une ambiance calme et reposante.
Nos premiers 23 km vont prendre fin une fois le Pont de la Vierge Noire contourné. Quelques passants nous regardent, étonnés de nous voir avancer dans le sens inverse à la normale.
Seyssel sonnera comme une récompense de cette remontée à contre courant.
Une autre façon peu orthodoxe de parcourir le Rhône certes, mais le fait de revenir en arrière sur ce fleuve nous offre de nouvelles perspectives, de nouveaux paysages, de nouveaux angles de vue. Je me délecte de ces instants où ce sport que nous pratiquons, se mélange à tant de poésie.
Depuis mes premières expériences de kayakiste, j’ai toujours été frustré de ne pas pouvoir prendre d’avantage le temps nécessaire pour apprécier cette ville au fil de l’eau et lui donner la place qu’elle mérite dans mon coeur.
Majoritairement, Seyssel ne représentait qu’une étape de départ que l’on regardait à peine, préférant se focaliser vers l’issue de nos expéditions.
Cette euphorie restera dans ma tête durant tout le reste de la journée, au point de voler la vedette au Vieux Rhône que j’apprécie tant.
Nous rejoindrons d’ailleurs cette partie du fleuve après avoir englouti le repas sur les berges de Seyssel et effectué le portage traditionnel du barrage de Motz.
La succession des petits rapides assaisonnera notre parcours qui était, il faut le dire monotone sur les portions canalisées.
Nous retrouverons par la suite rapidement l’une d’entre elles que nous avons parcouru le matin, reliant Lavours à Massignieu de Rives.
Cette dernière portion nous paraîtra interminable avant de pouvoir franchir le pont reliant la commune de Cressin Rochefort à Massignieu de Rives pour ensuite apercevoir le lac du Lit Au Roi avec en arrière plan le Mont du Chat.
Le compteur kilométrique atteindra les 48 km qui symboliseront la fin de notre parcours.
Quelques courbatures et ampoules aux mains, mais qu’importe, comme à l’accoutumée, cette sensation de bien être qui s’empare de nous à chaque sortie prendra le dessus, alimentant notre esprit vers de prochaines aventures.
CORNETTO Yves
Nous émergeons lentement d’une nuit plus fraîche que les précédentes, ce qui, contrairement à ce que l’on pourrait penser, n’a pas été pour nous déplaire. Je me remémore notre premier bivouac à la base nautique de Seyssel, juste avant notre départ, où les températures en ce mois de Septembre étaient largement au dessus des moyennes saisonnières. Résultat, un sommeil agité. Difficile de trouver la position idéale, me retournant sans cesse dans ma tente, ou plutôt dans cette étuve.
Mais cette fois ci, c’est un sommeil de plomb qui, malgré le ballet incessant des avions de ligne en provenance de St Exupéry n’a été en aucun cas perturbé. Nous avons été bercés toute la nuit par cette mélodie caractéristique du fleuve, reconnaissable parmi tant d’autres. Le courant, en sortie du barrage de Jons, se propageait au travers des roches et galets. Ces mêmes galets séparant les flots, composaient malgré eux cette douce musique aquatique ininterrompue, régulière et douce à la fois. Ce mélange sonore relaxant alimenta nos songes jusqu’au réveil.
7h00…
A l’aube de chaque fin de périple, c’est toujours la même association paradoxale de deux sentiments radicalement opposés qui prend place.
La joie d’atteindre dans quelques heures notre objectif, mais également la nostalgie des journées précédentes. Cette symbiose va graviter sans cesse à l’intérieur même de notre esprit et le faire tanguer entre euphorie et mélancolie. Cet équilibre précaire nous rappelle étrangement celui de nos embarcations que l’on doit maintenir à flot à mesure de notre progression.
Car oui, le kayak, à défaut d’être un sport, est à mes yeux une philosophie de vie.
On avance, comme on avancerait dans la vie avec ce même équilibre. Précaire, comme je viens de le citer, mais également fragile, qui à tout moment, pour une raison soudaine, peut tout faire basculer.
Ce sport nous fait comprendre aussi que dans ce monde et cet univers complexe, nous ne sommes que peu de choses, voir à l’échelle temporelle de l’évolution: Rien du tout.
Le petit déjeuner engloutit, nous voilà impatients d’aller taquiner le Rhône. Il continue de nous jouer de ces flots, sa même mélodie perpétuelle, exerçant son pouvoir d’attraction, nous invitant à le rejoindre sans plus attendre.
La journée promet d’être merveilleuse.
Une fenêtre météo généreuse.
Yannick, en plus de nous avoir offert un bivouac aux petits oignons, nous servira de guide jusqu’à Lyon. Une situation privilégiée dont on profitera au maximum en se régalant de ses connaissances, tout au long du parcours.
Lionel et Yannick embarquent en premiers.
Mes jambes à peine entrées dans l’hiloire que je manque de me faire engloutir par une vague de travers, coincé par un rocher à l’opposé. Rien de très grave, juste quitte pour une petite douche fraiche sur le bas du corps. Je m’extrais de cette situation délicate et me laisse porter par un courant bienfaisant à mesure que j’écope le peu d’eau à l’intérieur de mon kayak.
Nous voilà tous les trois, à voguer vers notre destination finale.
Malgré l’ambiance semi industrielle et urbaine, cette portion du fleuve reste néanmoins bucolique à souhaits. Je suis surpris dans cette proximité avec la ville de Lyon, que peu de monde ai l’audace de venir profiter de cette poésie. Et après réflexion, c’est tant mieux. Je n’ose même pas imaginer voir une foule de kayaks bloqués les uns contre les autres comme cela peut être le cas sur l’Ardèche en période estivale.
Le Rhône par le passé, bien avant d’être dompté par l’homme, était redouté de tous. En période de crue, sa puissance dévastatrice avait raison de tout sur son passage. Malgré les aménagements récents, en cas de fortes pluies, il n’en reste pas moins menaçant. Les derniers épisodes de crues marquèrent les esprits à jamais.
Les gens gardent en tête cette image spectrale du fleuve. De génération en génération, cette peur s’est transmise et installée dans le temps: « ne jamais trop s’approcher des rives sous peine de se faire emporter ». Un message relayé encore de nos jours.
Voilà pourquoi nous ne rencontrons (excepté les randos organisées essentiellement via notre forum) que peu de monde.
Et pourtant…
Au fil des sorties effectuées sur ses flots, le Rhône est à mes yeux un élément vivant avec une âme, dont il faut prendre le temps de connaître et de l’apprivoiser. Il peut être doux, affectueux, comme se montrer colérique voir impitoyable. Je m’aperçois avec désarroi, qu’il devient aussi fragile avec le temps. Les conditions climatiques instables, mais surtout les dernières sécheresses à répétition, l’affaiblissent. Son glacier principal en Suisse (Rhonegletscher) fond à vue d’oeil. Il m’arrive même d’entendre certaines rumeurs sur une éventuelle disparition du fleuve dans les cinquante prochaines années.
Le temps de cette réflexion et nous voilà au contact de nos premiers congénères de la journée. En effet, pêcheurs et chasseurs occupent progressivement les lieux. On se regarde, échangeant un petit signe de la main en guise de « bonjour » pour la forme avant de poursuivre notre route. Difficile de penser qu’hier encore nous arrivions à naviguer pratiquement toute la journée sans croiser personne. Nous sommes désormais contraints de cohabiter avec nos semblables.
Un petit grondement se fait entendre. Nous approchons du « Seuil des petits chevaux », synonyme de portage. Mais comme l’année dernière, on utilisera la technique de la cordelle pour passer ce seuil en s’économisant du moindre effort.
Quelques centaines de mètres en aval, on commence à voir au loin Lyon se dessiner timidement. Nous apercevons même un édifice qui trône au dessus de tout.
Intrigué par cette architecture, Lionel aura le malheur de poser naïvement la question qui fera l’effet d’une bombe auprès de notre guide:
« Yannick, sais tu ce que c’est que cette chapelle là haut? »
N’étant pas certain non plus, je tente une réponse avec pudeur:
« Je ne suis pas sûr, mais je pense que c’est la basilique de Fourvière. »
Un silence gênant règne quelques secondes. Yannick, à l’affut dans son canoë s’apprêtait justement à saisir un cliché de la basilique. Il déclenche son boitier avant de le laisser retomber avec désarroi sur son torse. Retenu par ses sangles, ce même boitier pendait comme à son habitude à son cou, à la différence près que l’ambiance générée subitement laissait penser qu’il avait prit d’avantage de poids pour peser plus d’une tonne. Un poids comparable à la lourdeur de la question formulée par Lionel.
La plupart des personnes à notre place auraient reconnu instantanément Fourvière, mais ce n’était visiblement pas notre cas.
L’affront qu’on venait de faire subir à la population Lyonnaise et plus particulièrement à notre hôte, était comparable à la Tour Eiffel qu’on aurait pu par maladresse confondre avec une simple antenne relais.
Ne sachant si il devait en rire ou en pleurer Yannick formula avec humour la phrase suivante:
« Vous pouvez me la refaire? Je vous filme et je balance ça sur Youtube. Ca fera un buzz énorme ! Pensez à descendre de temps en temps de vos montagnes les bouseux! »
L’issue de cette phrase nous fera percuter sur l’énorme boulette que nous venons de faire.
C’est alors qu’un fou rire accompagné de larmes s’empare de nous. Ce genre de rire, tellement intense qu’il contracte notre abdomen. Nous peinons à reprendre notre souffle devant tant d’hilarité.
Un grondement encore plus intense que le seuil des petits chevaux stoppera net ce moment convivial.
Feyssine approche.
Si le Rhône devait être une entité vivante, je dirais morphologiquement que sa gueule se situerai à Feyssine. La jonction entre le canal que nous empruntons et celui de Jonage se fait justement en amont du seuil. Deux langues immenses sortent de cette union. L’une d’entre elle communément appelée « Hawaï sur Rhône » est un spot de rodéo prisé par les surfeurs locaux et les kayakistes de freestyle désireux de venir se mesurer au Rhône.
Juste avant de rejoindre le seuil, nous franchissons quelques rapides. Petite mise en bouche avant le spectacle grandiose qui nous attend.
Nous apprécions pleinement la présence de notre guide qui nous fera vivre un moment incroyablement riche et intense avec le Rhône. Il nous invite à le suivre sans plus attendre.
Se rapprochant au plus près de la gueule du monstre grondant comme jamais. A mesure de notre progression, je sens quelques projections de l’écume générée par les remous du fleuve sur mon visage. L’objectif est simple. Yannick nous fait comprendre qu’il faudra passer ce seuil à la cordelle. Lionel est inquiet et montre quelques signes de stress. Comme je le comprend. Je ressens également ce stress, mais le fait d’être aussi près de cet endroit incroyable me met en ébullition.
On s’approche du seuil rive gauche pour débarquer au plus près de la langue. Yannick nous aidera à acheminer les kayaks en aval. Avant d’embarquer nous faisons une pause dans cet endroit privilégié où peu de monde n’ose s’aventurer. On est là, nouant à nouveau une relation intime avec le Rhône. Etre si près de lui… Nous sommes comme des dompteurs en plein spectacle avec leurs félins. Le risque d’attaque est énorme et pourtant, ils travaillent sur cette relation de confiance et de respect avec ces prédateurs.
Je laisse mes compagnons déguster quelques figues en ces lieux, préférant rester dans la gueule du monstre, et sentir cette force incroyable et herculéenne à quelques centimètres de mes pieds. Un pas de plus et je pourrais me fais avaler. Contempler ce spectacle grandiose dont seul le Rhône à le secret force le respect.
On embarque pour rejoindre quelques centaines de mètres plus bas un îlot de galets tombant à point pour notre pause repas.
Encore un autre avantage du kayak, et pas des moindres. Sur les berges de part et d’autre du fleuve, grouillent joggeurs, cyclistes, mais également quelques promeneurs lambdas. Certains d’entre eux s’arrêtent, nous observant de loin avec curiosité. Malgré le bruit ambiant (voitures, etc…) et la masse abondante de nos congénères, nous sommes curieusement au calme, sur cet îlot, protégés de tout ce vacarme.
Je déplie ma tente pour la faire sécher comme à l’accoutumée. J’avais pour habitude de la sceller ou de l’attacher à mon kayak. J’ai oublié ce dernier point crucial, et le temps de m’en rendre compte, une petite rafale l’arrache du sol pour la balancer dans le Rhône. Yannick se hâte pour l’attraper, mais me voyant aussi réactif pour venir la récupérer, préfèrera saisir son appareil et immortaliser ce gag imprévu.
Cette fois ça y est!
Lyon est bientôt à nous.
La largeur du fleuve en aval de Feyssine va maintenant se resserrer comme pour annoncer notre arrivée imminente. Je troque mon T-Shirt à manches longues contre un autre, anti UV à manches courtes. Le soleil qui initialement me réchauffait légèrement le visage ce matin commence sérieusement à cogner.
Pour la quatrième fois, j’ai encore le privilège de parcourir la ville depuis le Rhône.
Cette traversée de Lyon, c’est un peu comme une récompense. Un symbole fort mais également un hommage à nos aïeuls qui dans les temps anciens ralliaient régulièrement nos montagnes à la ville lumière via le fleuve, acheminants divers matériaux comme par exemple la pierre blanche issue des carrières en amont de Seyssel. Le Haut Rhône, qui a commencé à se métamorphoser à hauteur de Serrières de Briord achèvera définitivement sa transformation lorsqu’il rejoindra la Saône au sud. Il deviendra large, plat, industriel et commercial.
Les derniers coups de pagaie sont timides. Toujours cette même hésitation palpable, semblable à celle que l’on a tous plus ou moins ressenti lors d’un premier rendez vous galant. Notre rythme vigoureux et intense de ces premières journées passées sur le Rhône se relâche progressivement. On aimerait pouvoir avancer avec un contrôle total sur le temps qui passe. Avoir la faculté de “rembobiner” notre aventure pour la revivre indéfiniment.
Les piles massives du Pont Raymond Poincaré vont nous ouvrir malgré elles les portes de Lyon.
L’ambiance est similaire à celle d’une salle de spectacle lorsque les deux rideaux en velours d’un rouge somptueux s’écartent progressivement.
La passerelle de la paix fera son entrée pour nous présenter rive gauche la cité internationale. Reconnaissable à ses murs d’un mélange marron orangé au dessus desquels trônent des arcs de verre les protégeant de moitié.
D’autres ponts défileront les uns après les autres devant nos yeux, nous révélant une fois franchis divers mélanges d’architectures pour la plupart romanesques propres à la ville. Nombreux sont les édifices que nous croiserons, mais les principaux retiennent toujours notre attention:
L’ancien hôpital de Lyon rive droite, transformé suite à de travaux importants en un hôtel somptueux avec un nouveau nom qui n’a d’égal que sa taille gigantesque et imposante:
“Grand Hôtel Dieu”. Rien que ça…
Mais aussi, juste après avoir franchi le pont de la Guillotière: Le “Centre Nautique Tony Bertrand” (nommé auparavant “Centre Nautique du Rhône”, ou alors “Piscine du Rhône”), reconnaissable à ses quatre tours en forme de champignons hauts sur pieds.
Le franchissement de chaque pont est un moment unique. Comme pour les édifices, ils sont nombreux mais certains d’entre eux sortent du lot comme le pont Lafayette mais également celui de l’Université.
Yannick ayant un impératif nous laissera finir notre périple juste après le pont de la Guillotière.
Nous le remercions mille fois d’avoir pris sur son temps et de nous avoir fait partager toutes les richesses de son territoire.
Une étrange sensation que je qualifierai de spirituelle m’envahit lors de cette traversée. J’avais jusqu’à présent beaucoup de mal à mettre des mots sur ce ressenti qui m’habite à chaque fois que nous parcourions Lyon en kayak. Sur un plan purement physique, nous sommes en dessous de tout. Lorsque nous élevons notre tête, c’est pour apercevoir les choses à contre plongée. Tout nous domine de haut… On pourrait penser que la ville, ses habitants et son architecture nous écraseraient comme de vulgaires insectes. Le bruit ambiant, la pollution… Bref, tout ce cocktail propre aux grandes agglomérations devrait normalement nous oppresser.
Mais curieusement, c’est le phénomène inverse qui se produit à chaque passage. Nous sommes comme happés dans un miroir, inversant par la même occasion tout cet univers rationnel pour nous ouvrir les portes d’une sorte de nirvana. Protégés par le Rhône, on s’élève au dessus de cette affluence. Imperméables à toute agression extérieure. Nous sommes comme transcendés.
D’un naturel à détester et à fuir les grandes villes, la foule, Lionel et moi même partageons ce sentiment étrange qui pourrait presque nous réconcilier avec le monde urbain.
Mais il va falloir redescendre de notre nuage. Le Pont Pasteur se disputant la place au premier plan avec le Pont Raymond Barre juste derrière, avec en toile de fond le Musée des Confluences, sonneront la fin de notre périple. Le courant se stabilise pour devenir quasi nul. Stoppé avec celui de la Saône par le barrage Pierre Bénite, nous sommes désormais sur la retenue d’eau.
A la pointe de la confluence, c’est avec le coeur serré qu’il nous faudra tourner le dos au Rhône pour rejoindre la Saône et l’événement Lyon Kayak qui vient de débuter au Port de Confluence.
Lyon Kayak.
Evénement incontournable qui a fait germer cette idée de descendre le Rhône pour le rejoindre.
Peu importe notre place le lendemain dans le classement de la course. Nous avons gagné quelque chose d’inestimable. Je pensais avec prétention tout connaître de ce fleuve, mais je m’aperçois qu’il nous réserve encore de nouvelles surprises.
Il a beau matérialiser la frontière séparant l’Ain des deux Savoies, de l’Isère et bien d’autres départements jusqu’à la mer, le Rhône à ce pouvoir d’attraction qui lui est propre, et permet de nous rassembler nous autres kayakistes, créer des liens et bien plus encore.
D’autres projets fous commencent à germer dans notre têtes.
Et pourquoi pas la prochaine fois tenter un Seyssel Lyon en kayak sur 2 jours???
On vous tiendra au courant 😉
CORNETTO Yves
Faire étape à Port de Groslée, c’est comme flirter avec un silence et une tranquillité permanente. Exception faite cette nuit où les chiens du voisinage n’ont pas arrêté d’aboyer sans but précis.
Réveil à 6h30. On ressent brutalement le changement de saison, non pas à cause de la température ambiante, mais plutôt de la luminosité. Il fait nuit noir. Les éclairages publics rayonnent encore sur la ViaRhôna. Ce ballet de lueurs nous guidera jusqu’au ponton d’embarcation.
Je m’engage en premier afin de libérer rapidement l’accès à mes compagnons. L’espace n’est pas très large et la taille de nos kayaks n’arrange rien.
Nous sommes face au pont suspendu. Une fine nappe de brume flotte légèrement au dessus de l’eau. Tout est calme… Comme figé dans le temps. La surface du fleuve est lisse… On se croirait presque sur un lac. Même le courant est quasi inexistant.
Quelques étirements avant d’aborder cette nouvelles étape et nous voilà lancés.
Nos trois étraves fendent ce miroir d’eau d’une perfection absolue. Nous profitons de ces derniers instants de silence.
Devant nous, le défilé de Malarage. Très symbolique à nos yeux, ce sont les dernières gorges que nous offre le Rhône avant Lyon et la Mer. On parle souvent du Haut Rhône qui s’étend de Genève à la confluence avec la Saône à Lyon, mais j’aurai presque tendance à penser que le Haut Rhône ne va pas plus loin que ce défilé.
La largeur du fleuve n’excède pas 30 mètres. Deux falaises abruptes se dressent devant nos yeux pour nous ouvrir les portes d’un nouveau Rhône.
Un Rhône qui commence sa mutation. Une mutation que l’on doit principalement à notre empreinte humaine.
La centrale SuperPhénix située juste derrière le défilé ne manquera pas de nous le rappeler.
Les débats actuels sur le nucléaire vont bon train. Chacun en dira du bien ou du mal, mais qu’importe. On ne peut rester indifférent lorsque l’on passe devant cet immense édifice. D’une prédominance jaune feu, couleurs propres à cette créature mythologique dont la particularité est de renaître de ses cendres, on comprend vite que même à l’arrêt, le risque existe. Ces mêmes couleurs qui se reflètent au bord de l’eau, se mélangent harmonieusement avec les premiers rayons matinaux. Une aubaine pour quelques photos.
J’avais quelques appréhensions quand à notre rythme. Nous avions fait une belle étape la veille, et bien souvent, le revers de la médaille se traduit par de grosses courbatures, voir une longue récupération le lendemain.
Mais il n’en est rien. Bien au contraire, nous avançons avec la même vitesse de croisière que la veille voir davantage.
Une aide précieuse qui aura raison des 7 Km séparant Creys Malville à Montalieu.
Je commence à avoir mes propres repères…
Une fois le pont de Serrières de Briord franchi, des bruits sourds et lointains se font entendre, nous rappelons que le Rhône s’industrialise petit à petit. A notre approche une installation complexe rive gauche prends le dessus sur la végétation au premier plan. La cimenterie Vicat tourne sans interruption.
Même constat que Superphénix. Très imposante par sa taille, elle n’en reste pas moins impressionnante à contempler.
Nous continuons malgré tout notre chemin en direction de la base de loisirs “La Vallée Bleue”.
Nous retrouvons un environnement un peu plus calme. L’ambiance sonore de la cimenterie s’estompe à mesure que nous avançons.
Quelques pêcheurs en barque tentent leur chance munis d’une, deux, trois cannes, voir davantage.
Sur la rive droite, j’aperçois le “Camping du Point Vert”, symbole de notre deuxième nuit passée en ces lieux lors de notre première descente Seyssel Lyon réalisée en 2015.
On ne s’attarde pas et préférons continuer sur notre lancée. Mais cet entrain sera vite stoppé par les appels d’un homme, toujours sur la rive droite juste après le camping. On le regarde sans trop lui prêter attention, pensant ne pas être concernés par ses signes. Mais à y regarder de plus près, pas de doute. Son regard porte en notre direction. Nous faisons demi tour, la pointe avant de nos kayaks face à cet homme, avant de s’échouer sur une plage de sable, derrière laquelle se dresse la base du club nautique Serrièrois.
Marc, notre hôte, nous offre généreusement un bon café. Notre sport, peu médiatisé, et de plus peu pratiqué sur le Rhône, génère un élan de solidarité entre kayakistes. Sous un petit chapiteau, à touillier notre breuvage, une discussion passionnante s’engage entre nous. Echange de nos coordonnées, projets divers et variés. Il participe lui aussi à la Lyon Kayak.
Mais il va falloir s’y remettre… En plus d’avoir un timing à respecter, notre ami Rikou à un impératif et doit rejoindre Lyon dans la soirée.
On se laisse sur un « Au revoir » en se promettant de se retrouver dimanche à la course.
Rapidement, le barrage de Sault Brénaz. Un portage des plus simples. La mise à l’eau ne laisse personne indifférent car elle se fait à l’intérieur même d’une ancienne écluse. Un couloir immense s’élève. Les murs de part et d’autre, d’une hauteur impressionnante nous indiquent la direction à prendre. Derrière le mur de droite résonne le grondement du seuil de Sault Brénaz.
On ne manquera pas d’aller rendre visite à ce même seuil une fois sortis de l’écluse.
Quelques bruits autres que ceux générés par le seuil s’invitent… Bips de recul, extraction, concassage, criblage… Pas de doutes, nous sommes juste à proximité de la carrière de Sault Brénaz.
Encore 5 km avant de franchir le pont de Lagnieu. Il représente un changement radical du fleuve. Quelques petits ruissellements commencent à se faire sentir en amont de ce pont. Le dénivellement s’accentue, créant par la même occasion de petites accélérations nous permettant de s’économiser un peu sur notre rythme et de se laisser porter avec flemmardise sur ce courant généreux avant de faire notre pause repas sur une petite plage de galets.
J’en profite pour passer un coup de fil à notre hôte de ce soir. En effet, Yannick Véricel, moniteur diplômé d’état et gérant des sites http://www.randovive.com et www.lyonurbankayak.com avec qui j’ai fait connaissance lors de notre préparation du périple Genève – Saintes Maries de la Mer s’est proposé de nous rejoindre à notre bivouac et nous offrir le repas.
Pas de temps à perdre. On se remet à l’eau. Nos kayaks sont comme arrachés à la rive par les courants importants.
Une aubaine! Nous allons pouvoir digérer notre repas guidés par les flots du Rhône sans forcer sur la pagaie.
Mais c’était sans compter sur la météo changeante de ce milieu de journée.
En effet…
Un vent de sud surgit brusquement accompagné de nuages sombres et menaçants. Une toile aux tons de gris se dessine désormais devant nos yeux. Cet arrière plan de mauvaise augure viendra accueillir dans ce tableau un nouveau sujet principal:
La centrale nucléaire du Bugey.
Elle en impose davantage que Superphénix et nous tient en respect, face à ses immenses cheminées qui trônent rive droite. Nous comprenons vite à la vue de ce colosse que nous ne sommes pas de taille, et qu’en cas d’accident nucléaire, le souffle de l’explosion aurait raison de nous bien avant les températures proches d’une supernova.
A propos de souffle, nous peinons de plus en plus, et ce, malgré la force du courant, à avancer. Le vent se renforce et gagne en puissance. Comme la faune présente en ces lieux, nous nous abritons sous les branchages au plus proches de la rive, profitant de leur protection naturelle pour s’économiser du moindre effort.
Péniblement, nous rallions Loyettes, reconnaissable à ses deux arches métalliques de son pont traversant le Rhône. Une ombre se faufile sous les kayaks de Lionel et Rikou. “Un silure” rétorque ce dernier. Sa taille est estimée aux alentours d’un 1,20m.
A la sortie, nous retrouvons à nouveau quelques petits rapides générés par le fleuve qui nous seront d’une aide précieuse.
Des grondements se font ressentir au loin. Pas de doutes, nous approchons de la confluence avec la rivière d’Ain. En laissant mes mains caresser le mélange de ces deux cours d’eau, je m’aperçois rapidement du changement brutal de la température.
Les eaux de cette rivière, en plus d’être fraîches, génèrent un courant incroyable qui viendra s’additionner à celui du Rhône et nous permettre ainsi de réaliser notre meilleure performance en terme de vitesse de la journée.
Au loin, nous apercevons deux kayakistes remontant le Rhône dans notre direction. Un kayak rouge fuselé et un kayak de mer semblable aux nôtres. On intensifie le rythme afin de satisfaire notre curiosité. Un visage nous est familier, il s’agit de Ludo accompagné d’un ami à lui: Jean Michel. Ils nous suivaient sur internet depuis deux jours via notre tracker GPS et avaient décidé de nous rejoindre. Cette attention nous touche profondément, et nous décidons de partager le reste de notre parcours jusqu’à la fin toute proche.
Il se diffère des autres ouvrages du fleuve par sa tour carrée reconnaissable de loin.
A la vue de cet édifice, cette architecture particulière annonce notre arrivée aux portes de Lyon. Le fleuve change également pour s’industrialiser davantage, et plus particulièrement sur le canal de Jonage que nous laisserons de côté afin de privilégier celui de Miribel plus agréable à parcourir.
Ce barrage marquera également notre fin d’étape. Du moins pour Lionel et moi même.
Rikou, quand à lui doit continuer sa route en direction de Lyon et ensuite remonter la Saône. Il lui en reste encore un bon morceau.
Devant tant de kilomètres avalés, certains de mes proches me posent régulièrement la même question:
“Tu dois avoir mal aux bras après tous ces km parcourus! Ils vont être musclés à force de pagayer!”
Désolé de vous décevoir et de casser le mythe du kayakiste bâtit sur le haut du corps d’une musculature laissant entrevoir biceps, épaules imposantes et torse en “V”. Digne des plus belles couvertures de magazines de culturisme. Le relief de cette masse musculaire reflétant (de part un bronzage hollywoodien) à la perfection la lumière ambiante, sous peine d’en aveugler de plaisir la gent féminine jusqu’à les faire fondre….. …. .. bref, je m’égare un peu.
La réalité est tout autre, et si il y a bien une partie du corps à laquelle, nous autres, kayakistes de randonnée avons mal, c’est aux fesses, pour ne pas prononcer un autre mot plus familier (et faire entorse au récit que je me donne tant de mal à rédiger), tellement la douleur ressentie est intenable après tant de temps assis dans l’hiloire.
L’expression “En avoir plein le c…..” n’a jamais pris autant de sens ce jour là.
Pour ne pas arranger les choses, la rampe de débarquement (bien que très bien annoncée au travers d’une signalétique récente et en excellent état) ressemble à tout sauf à une rampe. Rochers posés anarchiquement les uns sur les autres, et pour finir, quelques marches improvisées de blocs de bétons pas du tout adaptées à notre activité. Je ne bénirai jamais assez les ingénieurs qui ont inventé le polyéthylène, matériau de nos embarcations, dont la particularité est de résister aux abrasions.
C’est un véritable cauchemar pour débarquer.
Si par le plus grand des hasards, les responsables de l’agence de l’eau, de la fédération de pêche, ou encore d’une des plus grandes entreprises nationales pour ne pas la citer: « EDF », devaient lire ces quelques lignes, je vous en conjure… Ou plutôt, je vous implore de faire (comme les politiques sont friands de cette formule d’ailleurs..) “tout ce qui est en votre pouvoir” pour que tout kayakiste ou autres usagers du Rhône, puissent un jour franchir les portes de Lyon autrement. Car actuellement, ce n’est pas rendre hommage à une si belle ville, d’arriver par voie fluviale dans ces conditions.
Après quelques minutes de galères, ça y est! Notre étape est bouclée. Nous nous dirigeons maintenant vers notre point de rendez vous indiqué par Yannick.
On installe notre bivouac en hauteur, avec une vue imprenable sur le canal de Miribel, régulé par le barrage de Jons.
Le va et vient des hérons cendrés, aigrettes, canards, etc… Qui nous ont accompagnés tout au long de notre parcours est radicalement remplacé par les allées et venues des avions de ligne, nous rappelant notre proximité avec l’aéroport de St Exupéry.
Je m’aperçois à mon grand désarroi que j’ai oublié ma petite scie, outil très pratique pour préparer du bois pour le feu. Ca aurait été sympa d’éviter à notre hôte cette tâche un peu ingrate, d’autant qu’il nous a prévu un repas de roi.
Yannick, à son arrivée, ne manquera pas, de son naturel assez taquin, de nous le rappeler.
Yannick Véricel…
Je prends le temps de mettre cette fin de récit en pause pour faire les éloges de ce personnage hors normes.
Cela remonte maintenant à bientôt 2 ans, lorsque je préparais notre périple avec Lionel sur le Rhône.
L’outil incontournable qu’on à tous le réflexe dans nos sociétés modernes à utiliser, c’est bien évidemment internet.
Oui mais internet, on trouve de tout, mais surtout n’importe quoi.
J’étais à la recherche d’informations précieuses pour préparer notre entrée sur Lyon. Des zones sensibles, comme le seuil des petits chevaux mais aussi et surtout celui de Feyssine attisaient mes craintes. Il me fallait trouver des sites fiables pour franchir ces obstacles avec le maximum de sécurité pour ne pas mettre cette expédition en péril.
Internet, c’est un peu comme une jungle. Armé d’une machette, on tranche avec vigueur les herbes hautes, obstacles principaux, avec lesquels, si on ne fait pas attention, le risque de s’égarer peut vite surgir. A force de courage mais surtout de persévérance, je tombe, par le plus grand des hasards sur un site d’une qualité et d’un design équilibré à la perfection.
http://www.lyonurbankayak.com/
Les informations tant convoitées sont là, devant moi. Des topos rédigés avec passion, des photos de qualité, le tout, organisé et structuré d’une façon redoutablement efficace.
Je vais être franc avec vous… Pour avoir côtoyé quelques temps le monde du graphisme, tomber sur ce genre de site est très rare. On a tendance à observer deux extrêmes:
– Un design proche des plus grandes productions de la Silicon Valley mais avec un contenu pauvre, voir médiocre.
– Ou alors des réalisations peu attractives où l’on s’y perd, alors que leurs contenus regorgent d’informations.
LyonUrbanKayak, c’est l’équilibre des deux conçus d’une main de maître.
Ma curiosité s’emballe, et sans plus attendre, je prends contact avec l’administrateur.Je lui expose mes projets futurs, et ceux réalisés en kayak.
La réponse ne se fait pas attendre… Réactif avec ça!!!! Tout ce que j’aime! Nous échangeons principalement sur Facebook au travers de discussions passionnantes jusqu’à tard dans la soirée.
Je m’adresse au travers de ce récit à toutes les personnes sceptiques sur la technologie actuelle et plus particulièrement sur les réseaux sociaux. J’ai pour coutume de dire que ce sont des outils, et comme tout outil, il y a le bon et le mauvais usage.
– Oui, c’est vrai, la plupart de nos congénères restent cloîtrés chez eux à diffuser leur plus beaux selfies sur Facebook, twitter, etc… Prisonniers de ce monde virtuel dans lequel ils se sentent non seulement vivants, mais vénérés.
– J’ai rencontré Lionel par l’intermédiaire d’internet avec qui nous avons bâti notre projet de rallier Genève à la méditerranée l’année dernière en kayak.
C’est au cours de ce périple que notre rencontre dans la “vrai vie” avec Yannick a vu le jour. C’était justement à la confluence de l’Ain et du Rhône. Un croisement symbolique de ces deux cours d’eaux, métaphore parfaitement adaptée à la situation.
Yannick, en plus d’être diplômé d’état, est un passionné de l’activité, incollable sur la réglementation, fervent défenseur de l’environnement mais également des sites où nous pratiquons régulièrement. Et ses ambitions vont bien au delà de nos frontières puisqu’il organise des raids en Norvège, Suède, etc…
Je ne vais pas m’étaler sur ses connaissances et son parcours, mais rencontrer des personnes aussi passionnées n’arrive pas souvent.
Retour maintenant sur notre bivouac trois étoiles!
Le ciel, bien que menaçant, nous épargnera cette fois ci. Seulement quelques petites gouttes, si petites qu’à peine s’être écrasées sur le sol, sècheront immédiatement.
Le feu crépite, chauffant la grille métallique sur laquelle repose de belles pièces: Andouillettes, Chorizo, et bien d’autres encore. Les odeurs mélangées à celle de la fumée embaument nos narines pour ensuite transmettre à notre cerveau les codes nécessaires à la mise en route du mécanisme de l’appétit…Cette viande fraiche, reluisante, change petit à petit d’aspect pour laisser apparaître ces quelques traces brunâtres propres à la cuisson au feu de bois.
Une fois en bouche, elle fond littéralement sous notre palais, libérant ainsi les arômes d’une viande de qualité, se glissant par la suite dans notre oesophage avant de nous rassasier de ces 58 kilomètres parcourus.
Et c’est assis autour de ce feu s’amenuisant petit à petit, que nous terminerons notre soirée au travers de récits d’expédition, de futurs projets etc…
A oui, j’oubliais… L’ami Rikou…
Un petit coup de fil avant de se coucher pour apprendre qu’il est rentré à bon port avec à son actif, une journée de 96 bornes!!!
Une machine ce Rikou!
CORNETTO Yves
Destination Lyon Kayak
Comme toutes les années, l’évènement Lyon kayak est incontournable en Rhône Alpes.
Cette course réunit pas moins de 1800 embarcations (Kayak, canoë, paddle), que ce soit du débutant au compétiteur averti.
Pour cette édition 2018, nous avons décidé de nous rendre à cette manifestation non pas en voiture, mais en kayak, en partant de la base nautique « Prolynx Sports » située à Seyssel au bord du Rhône.
Le Rhône…
Il sera notre compagnon et notre guide durant toute notre expédition jusqu’à Lyon. Le trajet comptabilise environ 160 Km.
Nous avions réalisé un parcours similaire en 2015 sur 4 jours.
Mais cette fois ci, nous placerons la barre un peu plus haut en diminuant le nombre de jours pour tomber à 3.
Notre duo habituel sera complété par un invité de marque : Notre cher et très respecté Rikou.
Rikou…
Déjà cité plusieurs fois dans mes récits, il a parcouru le Rhône en 2013, et s’est offert, en cette année 2018, la Loire, avec dans la foulée le tour de Bretagne… Rien que ça !!!
Jeudi 20 Septembre, 6h00 du matin.
Il fait encore nuit. Seule la lueur de nos frontales guideront nos pas… ou plutôt nos coups de pagaies.
L’étrave de nos kayaks, après avoir légèrement frotté sur la rampe d’embarquement, caresse somptueusement le Rhône encore lisse et d’une planéité parfaite.
Il fait incroyablement chaud alors que le jour ne pointe pas le bout de son nez. L’eau est tiède et l’air ambiant commence à se faire lourd.
Nous avançons dans le noir total. La lumière émise reflète sur les cygnes que nous apercevons au loin. Cette portion du parcours, je la connais par cœur, et ce n’est pas du luxe. Le risque principal en ces lieux, c’est la faible profondeur du fleuve. Si nous ne prenons pas garde, la coque de nos bateaux risque de frotter dans le limon pour ensuite nous stopper net. A certains endroits, la hauteur d’eau n’excède guère 20 cm.
Rapidement, la rampe de débarquement en amont du barrage de Motz peine à se dévoiler en cette faible luminosité.
Nos kayaks une fois sortis de l’eau, les vieux automatismes acquis l’année dernière refont surface. Tout se fait machinalement. Nous sortons nos chariots, j’emboite les roues sur l’axe ainsi que les deux barres de maintien. On soulève nos bateaux pour les présenter sur ces mêmes chariots. On ajuste la tension sur les sangles… Ca y est! L’ensemble ne fait qu’un et sans plus attendre, on achemine avec une facilité déconcertante nos embarcations en aval du barrage.
Les premières lueurs apparaissent et le ciel initialement sombre se dilue lentement avec cette lumière gagnant progressivement en intensité.
L’horizon se dégage petit à petit, nous rangeons nos frontales pour les remplacer par quelques fines couches de crème solaire.
A cet instant précis nous prenons conscience qu’une fois à l’eau, nous allons naviguer un bon moment avant notre prochain portage prévu au barrage de Brens.
Nous faisons le même choix stratégique que l’année dernière, et préférons éviter de passer par Yenne. Les portages de l’écluse de Chanaz, des seuils de Fournier, Lucey, et Yenne seront remplacés par un seul: Le barrage de Brens. Un gain de temps considérable sur la journée. La portion entre Lavours et Belley à beau être un canal aménagé, elle n’en reste pas moins agréable à parcourir.
Beaucoup de frustration en cette faible luminosité. Impossible de prendre des photos sous peine d’obtenir des clichés flous et garnis d’un bruit moucheté qui ne rendraient aucun hommage à la beauté des lieux.
Nos rythmes diffèrent légèrement mais s’adapteront rapidement. Lionel et moi même pagayons devant pendant que Rikou avance tranquillement, contemplatif et observateur. Nous surprenons deux sangliers au bord des plages de galets. Ces mêmes galets qui font le charme des îles de la Malourdie. Ils s’enfuient immédiatement à notre arrivée. Nous prenons notre temps pour observer leur course le long des berges avant que ces derniers disparaissent dans les hautes herbes.
Nous rejoignons rapidement Culoz pour apercevoir le Grand Colombier éclairé par les premiers rayons du soleil. La lumière reste mate. Rien à voir avec notre défi de Juin dernier où l’atmosphère laissait apparaître tous les détails. C’est un ciel légèrement laiteux qui se dessine devant nous. Masquant justement les quelques reliefs qui auraient pu donner un peu d’accentuation et permettre à un photographe averti d’obtenir une oeuvre quasi parfaite.
Une fois le pont de la Loi franchi, l’eau redevient lisse. La proximité du barrage de Lavours se fait sentir. Nous sommes sur la retenue d’eau et le courant devient de plus en plus faible.
Il va falloir insister d’avantage sur la pagaie pour espérer rejoindre le barrage de Brens rapidement et venir à bout des 15 kms qui nous séparent.
Mais tout se fait machinalement et d’une facilité déconcertante. Nous avançons à 7,5 Km/h de moyenne et rapidement, sans que l’on ai eu le temps de dire “Ouf” nous voilà en aval du barrage de Brens.
Prochain objectif: Le barrage de Champagneux pour la pause repas.
Soyons francs. Même si le Haut Rhône (De Genève à Lyon) reste à nos yeux l’une des plus belles parties du fleuve, ce tronçon de 10 Kms que nous allons aborder est fade et monotone. Le fleuve est large, plat, avec une vue et un horizon tellement dégagé qu’on a l’impression de pagayer sur place.
Mais c’était sans compter sur notre rythme et notre forme olympique de cette journée.
Toujours sur une moyenne de 7,5 Km/h, nous avalons cette étape d’un claquement de doigts.
A la rampe de Champagneux, nous regardons l’heure: “Midi Pile”
Le clocher aux alentours nous le fait même savoir de ses 12 coups. Question timing, difficile de faire plus précis.
Nos GPS affichent désormais plus de 40 bornes au compteur. L’équivalent d’un bon tour du Lac du Bourget.
Après un petit portage, nous faisons escale à proximité du barrage pour notre pause repas.
Petite rencontre avec un usager de la ViaRhôna dont le visage ne nous est pas inconnu. Il s’agit de Samy du forum-kayak! Il fait exception cette journée, pour avoir laissé son embarcation de côté au profit du vélo.
On s’offre même le luxe d’une petite sieste de 20 minutes, juste avant d’aborder une des plus belles parties du fleuve…
J’hésite encore à proposer à mes compères ce petit détour par la réserve. En effet, lorsque le niveau d’eau est trop bas, ce parcours initialement idyllique peut devenir un véritable calvaire. “Pas assez d’eau” rimerait avec “kayak qui racle” voir “beaucoup de portages”.
Mais après quelques repérages des lieux, on se lance sur la rampe à canoës aménagée sur un passage à gué, porte d’entrée dans cette zone tant convoitée par chaque être en quête de calme, sérénité, et de paix.
Autre avantage de traverser la réserve, on s’économise d’un portage (le seuil des Molottes), mais aussi et surtout, cette portion du parcours se fait à l’ombre, et ce ne sera pas du luxe étant donné les fortes chaleurs que nous subissons depuis la mi journée.
Une fois le passage à gué franchi, nous voilà donc projetés dans cet univers incroyable où tout diffère du monde moderne. L’empreinte de nos congénères se fait rare. Un silence presque parfait, seule une petite brise tente de se faire entendre au travers du feuillage. Le son de la faune nous accompagne paisiblement. Le parfum ambiant… Les quelques ruissellements du Rhône qui ajoutent un peu de variété au parcours… Tous ces éléments réunis nous transportent sereinement.
Le bras principal du fleuve s’ouvre à nous pour rapidement nous acheminer à son confluent avec son canal de déviation. Nous continuons notre périple sur quelques kilomètres avant de faire escale à “Port de Groslée”.
Une étape incontournable. Ce petit village paisible, où passe la ViaRhôna nous offre toujours cette vue splendide sur le soleil couchant avec en premier plan le Rhône, traversé par un pont suspendu reliant Groslée (Ain) à Brangues (Isère).
Un ponton nous permet d’extraire nos embarcations. Cent mètres plus loin, un abri aménagé avec toilettes et point d’eau nous offrira tout le luxe nécessaire à cette première nuit de bivouac.
Kilométrage total: 64 km
Une belle étape laissant présager de belles choses pour la suite.
CORNETTO Yves
Cette course incontournable et qui n’a plus rien à prouver nous tient toujours à coeur.
Un événement riche et varié où tout le monde a sa place, que ce soit du débutant au kayakiste de compétition.
Une autre façon de découvrir Lyon depuis la Saône au départ de Rochetaillée/Saône jusqu’au port de Confluence.
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Pour cette édition 2018, afin de la vivre avec encore plus d’intensité, nous avons décidé de nous rendre à cette manifestation non pas en voiture, mais plutôt en kayak via le Haut Rhône de Seyssel (Haute Savoie) jusqu’à Lyon!
Soit, une distance à parcourir de 160Km!
De la sortie du lac Léman à la confluence avec la Saône, cette partie du fleuve offre une variété de paysages, de reliefs jurassiens et préalpins à couper le souffle.
Alternance entre petits rapides et ambiances sereines, vous pourrez suivre notre progression en temps réel jusqu’à notre arrivée Samedi 22/09 au port de Confluence (pour retirer nos dossards) en consultant le lien ci dessous:
https://locatoweb.com/map/single/1710153270
Une excellente occasion pour faire connaître notre terrain de jeu immense qu’est le Rhône!
Un petit périple qui va démarrer Jeudi 20 Septembre à partir de la base de loisirs « Prolynx Sports » à Seyssel et durer 3 jours.
Ceux qui n’ont pas peur d’avaler les kilomètres seront les bienvenus!!!!!
86 Km entre le Rhône et le Lac du Bourget.
Bonjour à tous!
Ca y est!
Fiers de vous annoncer que nous venons de boucler notre dernier défi, à savoir:
Parcourir plus de 80km sur le Rhône et le Lac du Bourget en une journée seulement.
Le projet initial, au stade encore embryonnaire à l’époque, n’avait pas grand chose à voir. Le but était de faire le tour des 4 lacs: Lac d’Annecy, Lac du Bourget, Lac d’Aiguebelette, Lac de Paladru. Un défi hors norme sur la distance (100km au total). Mais très vite on s’est heurté avec Lionel à un gros soucis logistique: Le transfert entre chaque lacs qui allait nous faire perdre énormément de temps.
On opte donc pour une autre idée: Boucler le Rhône et son canal de déviation de Virignin à Yenne, en passant par le lac du Bourget.
Tout aussi ambitieux, mais malheureusement irréalisable faute de débit trop important du fleuve qui allait compliquer fortement notre remontée à contre courant sur le canal.
Au final, le projet sera le suivant:
Départ du camping “Le Nant Matraz” à Seyssel.
Descente du Vieux Rhône jusqu’à Chanaz.
Remontée du Canal de Savières.
Le tour complet du Lac du Bourget.
Descente du Canal de Savières pour rejoindre le Vieux Rhône.
Fin du parcours au camping “Le Kanoti” à Yenne.
La date n’a pas non plus été choisie au hasard.
Samedi 23 Juin est le premier week-end après le solstice d’été. Parcourir 80 Km allait nous demander beaucoup de temps. Hors de question de terminer la nuit.
Voilà maintenant plusieurs mois que nous attendions le jour J.
Impatients d’en découdre avec ce défi hors normes.
La veille au soir, rendez vous à notre point de départ: Le camping “Le Nant Matraz”.
L’équipe de fadas sera constituée de Lionel, avec qui nous avions fait mûrir ce projet ambitieux.
Ludo, qui répond souvent à ce genre d’aventures. Il a le profil idéal pour mener à bien cette expédition et sera un précieux atout.
Et moi même.
La vue sur Seyssel depuis le camping est tout simplement magnifique. J’en profite pour faire quelques clichés avant le coucher du soleil.
J’aime prendre le temps d’apprécier ces instants de transition.… Transition qui tranche entre cette attente interminable de voir le projet se réaliser, et les quelques heures qui précèdent avant de commencer à concrétiser ce dernier.
C’est peut être étrange de raisonner ainsi, mais on pourrait comparer ces quelques heures au dernier jour de travail de la semaine.
Ces moments d’euphorie que nous connaissons tous lorsque l’on se retourne une dernière fois pour fermer la porte de son bureau un vendredi en fin d’après midi.
Lorsque l’on monte dans sa voiture pour s’abandonner à nos projets du week end qui ont mis tant de jours à gamberger dans nos têtes.
Le bruit que fait la clé lorsqu’elle s’introduit dans le neiman, juste avant de démarrer.. On l’entend tous les jours, et pourtant, juste à cet instant, ce même bruit, à une saveur toute particulière.
C’est un sentiment que je ressens constamment la veille d’un périple ou même d’une sortie à la journée.
Vous l’aurez deviné, le sommeil aura été difficile à trouver.
Samedi 23 Juin.
4h00 du matin.
Le bruit du zip de nos toiles de tente sonne comme un départ. Comme il m’a manqué ce bruit. Il me rappelle les jours de notre périple sur le Rhône en Septembre dernier avec Lionel, mais également les autres sorties de plusieurs jours effectuées avec les membres du forum.
Tout se fait machinalement.
On plie nos sacs, les matelas sont dégonflés, les tentes rangées…
Ludo nous prépare un bon café avec sa cafetière italienne. Son goût prononcé m’enivre comme une petite mise en bouche dans un restaurant gastronomique.
Le plat principal se dévoile…
Il commence par le Rhône qui nous tend les bras.
J’ai faim!!!
Un vide énorme qui nous tarde de combler en avalant ces kilomètres qui nous attendent.
Les conditions sont, comme j’ai l’habitude de le dire: “Aux petits oignons”. Une fenêtre météo généreuse… Juste un vent du Nord qui risque de compliquer notre retour sur le lac du Bourget, mais qu’importe. Notre motivation est sans failles.
Le Rhône…
Nous voilà sur la rampe de mise à l’eau.
Le niveau a légèrement baissé depuis hier, mais le débit est toujours aussi important. Je l’estime visuellement à 500m3/s.
Lionel et Ludo embarquent en premiers. Ils m’attendent, immobiles dans un petit contre courant.
Je glisse mes jambes à l’intérieur de l’hiloire. Impatient de ne faire qu’un et de vivre la journée entière en symbiose avec mon kayak.
A peine sortis du contre courant, que nous voilà propulsés rapidement sur le fleuve.
Je ressens pleinement sa toute puissance. L’année dernière à la même époque, il avait une triste mine avec un débit quasi inexistant. Mais aujourd’hui il a retrouvé toute sa vigueur. C’est lui le patron, lui qui nous dictera les règles du jeu jusqu’à Chanaz.
Seyssel est splendide depuis le Rhône. Depuis mes débuts de kayakiste, je ne compte que sur les doigts d’une seule main les fois où j’ai côtoyé ces lieux sur le Rhône.
Je tente quelques clichés de cet instant inédit. Il fait encore nuit et le jour apparaît timidement. Le jeu des lumières du vieux pont sur le cours d’eau ajoute du relief au fleuve qui renvoie cette même lumière un peu partout. J’essaye de restituer le plus fidèlement possible ce spectacle dans ma Gopro. Pas évident à vrai dire. La faible luminosité et le courant important m’obligent à rester vigilant.
En moins de temps qu’il ne le fallait, nous voici à la rampe du barrage de Motz pour notre premier portage.Ce sera le plus long de la journée. En prévision avec Lionel, on avait décidé de ne pas s’encombrer de chariots, mais au final, nous regretterons notre choix en prenant un temps fou à porter nos embarcations. En refusant cette solution stratégique par peur d’être trop encombrés, nous allons perdre de précieuses minutes sur notre timing.
Mais c’était sans compter sur le débit incroyable du Rhône.
Une fois à l’eau, nous sommes à nouveau portés par le courant généreux et soutenu du fleuve. Le kilométrage de la journée étant à peine entamé que nous pulvérisons notre propre record de vitesse sur la portion Motz Chanaz.
Le Rhône ne cesse de me surprendre. A chaque fois que je lui rend visite, il m’offre un visage différent. Il change sans arrêt d’aspect. Je ne m’en lasse jamais.
Ludo parvient même sans forcer à faire une pointe de 20 Km/h. Nôtre vitesse moyenne oscille entre 9 et 10 Km/h.
Juste avant d’aborder Culoz, on assiste à un spectacle grandiose.
Le lever du soleil.
Sur le Grand Colombier, la bande d’ombre le recouvrant s’abaisse à mesure que le soleil prend de l’ampleur. Elle glisse tout le long pour s’évanouir au pied de la montagne. La lumière est incroyablement belle. Elle est douce, laissant entrevoir toutes les facettes du paysage baignant dans ses rayons. A cette heure, l’atmosphère n’est pas encore laiteux. Tout est clair, parsemé de détails aussi infimes soient ils.
S’ajoute à ce spectacle visuel, une ambiance sereine. Peu de bruit à cet heure ci. Nos congénères sont encore couchés. Nous sommes seuls, intimement liés à la nature qui se dévoile à nous timidement. Elle nous offre en primeur son plus beau visage en ce début de journée.
Le Grand Colombier, comme à son habitude nous domine jusqu’à Chanaz. Il a revêtu pour cette journée exceptionnelle sa plus belle panoplie d’arbres garnis d’un vert chatoyant à souhait. Un délice pour les yeux.
Chanaz se dessine désormais devant nous. Rapidement, nous extrayons nos kayaks de l’eau pour le portage traditionnel qui nous fera quitter le Rhône et aborder ainsi le canal de Savières.
On se retourne face au Grand Colombier admiratifs devant la première étape de notre parcours accomplie. Un Rhône qui aura défilé à vitesse grand V, sans qu’on ai eu le temps de s’en apercevoir. Cela augure de belles choses pour la suite. Cette vitesse inespérée nous a fait gagner un temps précieux sur notre timing.
Le Canal de Savières…
Il est un des rares cours d’eau dont le courant peut s’inverser. En temps normal, le Lac du Bourget se déverse dans le Rhône via ce canal. Mais lorsque le fleuve est en crue. C’est le phénomène inverse qui se produit. Le Lac sert alors de réserve tampon pour absorber le surplus du Rhône.
Par chance aujourd’hui, le courant sera quasi nul.
Le village de Chanaz est d’un calme olympien. Personne à l’horizon.
Nous remontons paisiblement le canal en direction du lac. Le décor est comme bloqué dans le temps. Nous prenons quelques minutes pour s’arrêter quelques instants. Tout est immobile. Même l’eau sur laquelle nous nous trouvons ondule à peine. Un vrai miroir d’une perfection absolue. Nos kayaks se figent dans cette ambiance étrange.
Très vite, nous arrivons à l’embouchure du lac. Notre deuxième étape est maintenant bouclée, et il va falloir maintenant s’atteler au plus gros morceau de notre parcours:
Le Lac du Bourget…
Le tour complet est estimé à 40 kilomètres.
Un vent du Nord commence à gagner en intensité. On ne le ressent pas pour l’instant, protégés par les reliefs et les roselières, mais on l’entend s’affoler, siffler bruyamment au travers de chaque roseau.
On choisit volontairement de parcourir en premier la rive Est du lac. Beaucoup moins attractive visuellement que la partie sauvage à l’Ouest. Notre mental sera ainsi préservé au retour. D’autant qu’il se fera par vent de face et nous fera perdre par la même occasion les quelques dizaines de minutes gagnées précieusement sur le Rhône.
Le Rocher, surplombé par le Château de Châtillon, le port et la plage du même nom défileront rapidement sous nos yeux. Pas le temps de flâner comme à l’accoutumée.
Cap maintenant au Sud du lac. Une petite brise nous porte sur quelques vaguelettes, nous permettant ainsi d’avancer relativement facilement tout en s’épargnant du moindre effort.
Ludo, de part son embarcation taillée pour la vitesse et son coup de pagaie fluide, et redoutablement efficace, prend une nette avance sur Lionel et moi.
Il nous attendra un peu plus loin sur une petite plage de Brison.
32 Km au compteur. Un petit coup de faim nous guette. On décide de s’arrêter et prendre une petite collation. Quelques oeufs brouillés, abricots secs feront l’affaire.
On repart aussitôt. Nous sommes à présent dans la baie de Grésine. Cette anse, souvent prisée des pêcheurs en bateau sera déserte aujourd’hui. Pas étonnant, le vent commence à forcir, le lac se forme, les vagues grossissent et commencent à moutonner.
Le vent a beau être de notre côté, naviguer dans ses conditions me demande beaucoup d’effort pour corriger ma trajectoire, malgré la présence du gouvernail. Les vagues me poussent, me faisant légèrement partir en surf. Très bon pour l’accélération, mais cela se complique lorsque cette même vague me passe devant. Mon kayak “colle” alors sur l’eau, et se fait ballotter de gauche à droite, il perd sa notion directeur, et je dois pagayer d’avantage pour le recentrer et garder le cap.
On passe devant Aix les Bains. Beaucoup de monde, beaucoup de bruit, des joggueurs, des cyclistes, des voitures, et même des kitesurfeurs venus profiter du bénéfice du vent et se laisser porter par leur aile plusieurs mètres au dessus du lac.
On est loin, très loin de cette tranquillité majestueuse de ce début de journée.
L’écart avec mes compagnons se creuse à mesure que nous avançons.
Ludo est en tête, j’ai même du mal à le distinguer. Quand à Lionel, il est dans son sillage mais garde un rythme très soutenu. Je peine à le suivre. J’arrive de temps en temps à pagayer juste derrière lui et prendre de temps en temps son aspiration pour récupérer un peu mais rien à faire. On ressent tout de suite notre différence de niveau. Cela sent la Dordogne intégrale à plein nez. Cette course folle de 130 kilomètres à laquelle Ludo et Lionel ont déjà participé, ce qui leur apporte un bénéfice énorme sur leur vitesse et leur endurance.
Je pourrais être frustré, mais il n’en est rien.
Au contraire…
Plutôt que d’essayer de les suivre désespérément, je me recentre sur moi même et trouve mon propre rythme. D’autant que je commence à ressentir une légère douleur à mon bras droit. Je préfère donc me ménager un peu pour ne pas mettre en péril ce défi. De toute façon, nous allons arriver au bout du lac pour casser la croûte.
On avoisine les 50 Km. Très bon pour le moral, nous avons effectué plus de la moitié de notre parcours.
Pour la pause déjeuner, nous jetterons notre dévolu sur une petite plage à proximité de l’embouchure de la Leysse.
Mes jambes engourdies, je prends le temps de marcher un peu et contemple le paysage d’une beauté exceptionnelle.
Difficile de croire que nous sommes sur le lac du Bourget. Les couleurs, et le bleu turquoise de l’eau nous feraient presque penser que nous nous sommes échoués aux Bahamas.
On pourrait croire qu’après tant de kilomètres avalés, l’intérieur de mon estomac présenterai un vide abyssal, mais curieusement, l’appétit n’était pas au rendez vous. Je prends tout de même le temps de savourer une salade piémontaise.
Retour au Nord du Lac…
Aller!!! On se motive un bon coup, et on garde le moral!!!
Du moral, on en aura besoin pour venir à bout des 18 kilomètres qui nous séparent du canal de Savières. Et le tout, avec un vent de face gagnant toujours en intensité.
On cesse de se poser moultes questions. Il est temps de débrancher nos cerveaux, faire le vide et ne penser à rien. Dans des conditions pareilles, l’erreur monumentale, qui pourrait être fatale, serait de regarder sans cesse notre GPS, consulter le kilométrage restant, notre vitesse, etc…. Le temps n’en serait qu’allongé et notre motivation fondrait comme neige au soleil.
Très vite, Ludo, en tête impose son rythme. Lionel le suit de près, profitant des petits courants générés par la pagaie de son prédécesseur pour rester dans l’aspiration.
A la troisième place, je fais de même avec Lionel.
A cet instant, je comprends désormais que je n’ai plus le choix.
Malgré mon endurance et mes capacités physiques en dessous des leurs, je dois tenir… Pire, je dois même aller au delà de ce que j’ai pu fournir comme efforts jusqu’à présent. Quelques prémices d’ampoules commençaient à faire leur apparition sur mes phalanges.
J’avais l’impression de tenir à la place de ma pagaie un morceau de ferraille chauffé à blanc.
Ce qui va alors se passer entre nous est comparable à un groupe d’alpinistes lors d’une ascension d’un sommet, encordés. Le courant généré entre nos kayaks représentent le lien qui nous unit. Il faut à tout prix maintenir ce lien sans le rompre.
Quelques passants au bord du lac nous regardent estomaqués. Ne comprenant pas notre démarche de remonter face au vent. Les embarcations à propulsion humaine que nous croisons vont toutes à contre sens.
Je fonctionne désormais comme une machine, commençant à m’habituer au rythme infligé par un Ludo chef d’orchestre. J’ai comme l’impression de ne plus avoir le contrôle sur mon corps. Il réagit tout seul, avec instinct.
On tient bon pendant une dizaine de kilomètres, et notre salut viendra du vent, qui d’un seul coup s’estompera sans prévenir.
Le lac redevient d’huile. Nous apercevons l’Abbaye d’Hautecombe à quelques centaines de mètres.
Petite pause juste avant de franchir ce monument religieux, un des plus beaux symboles incontournables du lac.
Ludo sort à nouveau sa petite cafetière italienne et nous prépare encore un bon remontant.
L’abbaye se franchit sans encombres, Conjux viendra juste après, et nous terminerons le tour du lac en longeant les roselières avant de rejoindre à nouveau le canal de Savières.
Cette troisième étape aura été intense, tant en kilomètres parcourus que la fatigue accumulée. Le GPS affiche presque 70 Km. Un dernier coup d’oeil sur le lac, fiers d’avoir accompli cet exploit. Reste à rejoindre maintenant le Rhône et boucler majestueusement ce défi.
Retour sur le canal de Savières…
Rien à voir avec la sérénité de ce matin. On croise régulièrement des bateaux, profitant même de certains, empruntant le même sens que nous, de leur aspiration pour gagner en vitesse et s’économiser un peu.
Rapidement, on traverse à nouveau Chanaz, mais cette fois ci, il nous faut rejoindre le barrage de Savières pour le deuxième portage de notre aventure.
Le Rhône nous tend les bras et nous offre à nouveau son courant libérateur, qui nous sera d’une grande aide.
Le Rhône…
Dernière partie de notre défi. On a largement dépassé les 70 Km, je pulvérise par la même occasion mon propre record personnel sur la plus longue distance parcourue en une journée.
Curieusement, avec un peu de déception, le débit du fleuve en aval du barrage n’a rien à voir avec ce que l’on a pu profiter le matin. Il va falloir pagayer efficacement pour arriver au bout.
Devant nous le seuil de Fournier. Je décide, malgré la fatigue qui me guette, de franchir ce seuil et m’économiser ainsi d’un portage. Un sans fautes.
En amont de Lucey, nous apercevons les derniers rayons du soleil éclairer majestueusement la dent du chat ainsi que le vignoble de Jongieux.
Je choisi volontairement de ne pas franchir le seuil de Lucey. Difficile de trouver un passage fiable, et vu mon état, ce ne serait pas raisonnable.
Ce seuil sera le symbole de notre dernier portage. La mise à l’eau en aval sonne comme un soulagement.
Le soleil commence à nous tirer sa révérence sous un ciel légèrement laiteux.
Notre périple va désormais toucher à sa fin.
On reprend sur quelques kilomètres pour en finir, notre rythme frénétique avec une intensité proportionnelle à notre niveau d’énergie restant.
Dernière ligne droite…
Au loin, le camping et base de loisirs le “Kanoti”.
La rampe de débarquement sonnera la fin de notre défi.
On sort, tout engourdis de nos kayaks.
Mon corps est vidé, je suis envahi de courbatures. J’ai l’impression qu’il ne m’appartient plus. Mais dans ma tête, une euphorie me soulève, me fait planer au dessus de tout.
Nous nous retournons face au Rhône. Face à tout ce parcours réalisé. Ce projet enfin mené à bout.
On emmène désormais nos kayaks au camping, où nous retrouvons Mathieu, le gérant.
Je ne le remercierai jamais assez pour sa disponibilité et sa gentillesse.
Petite photo de nous trois et nos kayaks pour clôturer dignement cette aventure.
J’espère que vous avez eu le courage de lire ce compte rendu jusqu’au bout.
Une fois de plus, nous avons dépassé nos limites, mais ce genre d’aventure et de défis, certes poussés à l’extrême, nous passionnent, et permettent de mettre en valeur la pratique du kayak de mer en Rhône Alpes.
A très bientôt!
CORNETTO Yves
Ci dessous, la totalité des photos de notre journée.
Bon visionnage!
Emission » Chroniques d’en Haut »
Le massif du Jura est un peu à part. Reconnaissable à sa végétation de feuillus, il n’est pas le plus connu. Pourtant, il abrite de nombreuses merveilles parmi lesquelles le cours le plus sauvage du Rhône en France, un trésor à découvrir à bord d’un canoë.
Le Jura Sud, qu’on appelle aussi Bugey, est une enclave de nature sauvage à deux pas des grandes villes comme Lyon, Annecy ou Genève.
Laurent vous emmène à la découverte de ce qui pourrait bien ressembler à une Terra Incognita aux portes des Alpes et le long du Vieux Rhône
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Randonnée encadrée par Yannick VERICEL (Moniteur diplômé d’Etat) de de Randovive.